Lettre de Prince Edmond de Polignac à la Princesse de Polignac n°57
Paris, le 4 avril 1892.
Chère Madame
Je m'empresse de vous faire parvenir la carte d'entrée pour le concert de demain mardi, très heureux que vous veuillez bien m'honorer de votre bienveillante présence.
Vous y rencontrerez M. R. de Bonnières, un de nos Apôtres en commune foi.
Je me permets de vous envoyer le morceau que vous entendrez, chanté par Madame Caron.
C'est là une version primitive que j'ai dû agrémenter de broderies, à l'accompagnement, selon l'esprit du jour. Il y a, notamment, à la troisième strophe :
"Les Belles de Nuit demi-closes",
un artifice que je crois presque unique en Littérature Musicale consistant à faire entendre sous le chant, le motif initial, aux choeurs (bouche fermée) et à l'orchestre simultanément, en ces quatre valeurs différentes (notes de musique).
Ainsi qu'il convient aux suggestives et simples paroles, la couleur musicale s'emprunte plus tôt du Diatonique Oriental Latin, que du Chromatisme Romantique Germain, lequel est peut-être trop exclusivement pratiqué aujourd'hui.
A égale distance kilométrique, le Diatonique Latin portera toujours davantage.
Excusez, Madame, cette très pédantesque digression, je risque de passer, auprès de vous, pour un "Professional" comme je vous sais les éviter.
Je vous prie d'agréer, Madame, avec tous mes remerciements, mes très respectueux hommages Edmond de Polignac.
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