Lettre de Igor Stravinsky à la Princesse de Polignac n°129
Villa Les Rochers, Biarritz, 18 juillet 22
Ma chère grande amie,
Monsieur Wiener me communique l’entretien qu’il avait eu avec vous au sujet de ses concerts, la façon particulièrement bienveillante dont vous l’avez accueilli, et le nouveau témoignage de votre fidèle sympathie pour ma musique. J’en suis très touché, croyez le moi, et vous en remercie.
La semaine dernière, j’étais pour trois jours à Paris et, à mon grand regret, je ne vous y avais pas trouvée. Je voulais aussi vous dire que Monsieur Cole Porter, pour finir, a brusquement renoncé de prendre des leçons chez moi. Quand je vous ai vue la dernière fois, j’étais en possession d’un contrat, établi et signé par lui, qu’il faisait accompagner d’une lettre. Il m’a demandé de communiquer directement avec son avocat s’il y a quoi que ce soit dans le contrat qui ne me convienne pas, (je souligne sa phrase). Je l’ai fait, en lui envoyant ma contreproposition, qui, au fond, ne mettait que quelques précisions à son contrat (qui ne me garantissait que la moitié de la somme annoncée). Là-dessus, je reçois par son avocat la nouvelle assez inattendue de son refus - inattendue, car c’est lui-même qui m’a engagé de me prononcer sur sa rédaction. Je ne vous cache pas que sa façon d’agir m’a assez froissé, et je regrette aussi beaucoup qu’il vous ait dérangée pour rien. J’aimerais avoir de vos nouvelles promises et, en attendant, croyez-moi, bien chère Princesse votre affectueusement dévoué
Igor Stravinsky.
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