Lettre de Gabriel Fauré à la Princesse de Polignac n°37
(juillet 1894 ? non daté)
Louveciennes
4 chemin de Prunay (?)
Je n'ai pas reçu immédiatement votre lettre, chère Princesse, d'où mon retard à vous répondre. Je suis un simple humain et je ne prétends valoir ni mieux ni moins qu'un autre humain. Cependant, j'ai la quasi certitude que je suis supérieur à ce que vous paraissez croire !
Je n'ai pas tenu ma promesse mais j'ai le plus vif désir de l'accomplir. Je voudrais que l'oeuvre promise fût à votre gré et au mien.
Mes dernières mélodies ne pouvaient pas vous être offertes puisque vous aviez bien voulu accepter les cinq que j'avais composées précédemment. Je n'ai écrit de plus que deux morceaux de piano qui ne vous auraient pas intéressée, et quelques morceaux d'église.
Je vous promets, et je le fais de tout coeur, que la première oeuvre importante que je composerai vous sera soumise. Vous me reprochez très affectueusement de n'être pas resté le même depuis dix-huit mois et je crois bien sincèrement que vous vous imaginez ce changement. Vous avez été, vous, plus occupée, plus entourée qu'il y a deux ans et vous m'avez aussi, si vous voulez bien vous en souvenir, beaucoup moins appelé près de vous. Je ne suis pas ingrat ; j'ai, très vivant, le souvenir de vos témoignages d'amitié et je vous en garde la plus profonde et la plus affectueuse reconnaissance. Je suis malheureux que vous ayez pu en douter.
Veuillez donc je vous prie, chère Princesse, compter sur toute ma bonne volonté à m'acquitter envers vous le plus tôt que je le pourrai, et croyez toujours à mes sentiments de vive gratitude et de dévouement
Gabriel Fauré
Vous me ferez le plus grand plaisir si vous voulez bien m'écrire et je vous prie de vouloir bien me rappeler au souvenir du Prince de Polignac. On aura pu vous dire, rue Cortambert, que j'étais venu le demander il y a une quinzaine de jours.
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