L'Armée des romantiques
Les Béatitudes d’un immigré
César Franck né à Liège en 1822 est devenu citoyen français en 1871 pour pouvoir être nommé au poste de professeur d’orgue au conservatoire de Paris. Malgré ses études dans ce conservatoire où il s’imprègne de la culture musicale française dès l’âge de 15 ans, malgré son installation définitive à Paris en 1845 et sa naturalisation, ses détracteurs n’hésiteront pas à rappeler ses origines. Une lettre adressée par Claude Debussy à Francis Poulenc le 23 octobre 1915 en témoigne : « le respect que l'on doit à César Franck commande d'affirmer qu'il est un des plus grands musiciens flamands ». Le musicologue Alfred Einstein le voit comme « le plus grand maître né à Liège », mais lui concède toutefois être « la gloire et l'honneur de l'école instrumentale française du XIXe siècle ».
Il voit en lui un post beethovénien, ce qui en soit est une évidence en constatant son attirance pour la forme sonate, mais comme nous le rappelle Célestin Deliège, le traitement qu’il fait subir à la forme sonate ne retient que « des aspects partiels en rompant avec la logique traditionnelle par l'instabilité tonale des énoncés et un relatif collage des éléments thématiques ». A l’instar d’un Camille Saint-Saëns nous pouvons donc très aisément le rattacher à la tradition germanique, chose somme toute bien commune en ces temps de wagnérisme effréné en France.
L’influence de César Franck fut déterminante. Sur le plan de l’enseignement il fit école, exerçant une véritable fascination sur toute une génération de compositeurs, la fameuse « bande à Franck » : Louis Vierne, Gabriel Pierné, Ernest Chausson, Henri Duparc, Vincent D’Indy.
Dans le domaine de la musique de chambre, il fut, au sein de la Société nationale de musique, l’un des grands novateurs en introduisant sa fameuse forme cyclique (principe faisant réapparaitre des thèmes dans chaque mouvement donnant ainsi une cohérence à l’œuvre).
Une chose est à noter pour un musicien aussi expérimenté : ce n’est qu’en 1880, dix avant sa mort, qu’il connut le succès avec son quintette pour piano et cordes, ouvrant la porte à d’autres chefs d’œuvres tels que : les Djinns - poème symphonique avec piano principal d’après Victor Hugo - (1884), Prélude choral et fugue (1884), les variations symphoniques pour piano et orchestre (1885), la sonate pour violon et piano (1886), la symphonie en ré mineur (1888), le quatuor à cordes (1889).
Ses premières pièces écrites pour harmonium datent de 1858 et il n’aura de cesse d’en composer tout au long de sa vie. En 1890 année de sa mort il entreprend d’en composer 100, il n’aura le temps d’en écrire que 63.
En guise d’avant goût musical citons quelques lignes de l’historiographe de Franck, Léons Vallas : « il offre à l’histoire le cas singulier d’un compositeur de souche germanique, de nationalité belge, qui dans les dernières années d’une existence modeste, effacée, a exercé sur la musique de la France, son pays d’adoption, une influence profonde et durable, directe ou indirecte. »
Rémy Cardinale
Programme
César Franck (1822-1890)
Sonate pour violon et piano en la majeur (1886) (FWV 8)
Quintette pour piano et cordes en fa mineur (1879) (FWV 7)
Biographies
L'Armée des romantiques
L'Armée des Romantiques rassemble des compagnons fidèles tels la soprano Magali Léger, le baryton Alain Buet, le violoncelliste Emmanuel Balssa, le pianiste Rémy Cardinale, les violonistes Shunske Sato, Girolamo Bottiglieri et Raya Raytcheva, l’altiste Caroline Cohen-Adad et le clarinettiste Lorenzo Coppola.
Cette Armée bien singulière a pour ambition de réinterpréter les chefs d’œuvres de la musique de chambre du XIXe siècle en réinscrivant cette musique novatrice dans le contexte intellectuel et artistique de l’époque.
L’Armée des Romantiques affirme ainsi son engagement pour l’interprétation sur instruments historiques. Sa pratique régulière des instruments anciens l'amène à s'interroger sur l’héritage transmis par le XXe siècle. Ses sonorités, ses couleurs, ses dynamiques bousculent nos certitudes sur l’interprétation des œuvres. Ce nouveau prisme sonore qu’offrent les instruments anciens réactive l'écoute, bouleverse les attentes et redonne une nouvelle jeunesse à un répertoire quelquefois figé par le temps.
L'Armée des Romantiques est convaincue qu’il est grand temps de donner un autre sens à l'art d'interpréter. La subversion à laquelle nous appelons passe par une autre façon d’aborder le concert et par là, tente de rendre l’écoute plus active, plus passionnée, plus joviale, plus réfléchie et plus désirable pour le plus grand nombre.
L’Armée des Romantiques est en résidence à la Fondation Singer-Polignac à Paris et à l’Académie Bach à Arques-la-Bataille.
Voici un texte publié en 1948 par Arnold Schönberg auquel l’Armée des Romantiques s’identifie pleinement. Il fait écho à nos réflexions sur le traitement de l’expression de la musique romantique aujourd’hui.
La musique romantique
« Comment on exécute aujourd’hui
la musique romantique »
Lorsqu’on exécute aujourd’hui de la musique du genre dit «romantique » en supprimant tout ce qui en extériorise la sensibilité et en s’abstenant de toute modification de tempo et de toute nuance non expressément écrite, on se modèle sur la façon dont est jouée la musique de danse élémentaire. Ce style a été transmis à l’Europe par l’Amérique, dont aucune vieille civilisation ne pouvait fixer les normes d’une exécution, mais où une certaine sorte de puritanisme freinait toutes les manifestations de l’expression musicale. En sorte que presque partout en Europe on joue dans une mesure rigide, inflexible, et non pas « dans un tempo », autrement dit dans un cadre équilibré d’éléments librement mesurés.Il est fort surprenant que presque tous les chefs d’orchestre et presque tous les musiciens européens se soient pliés sans résistance à cette ukase. Ils eurent tous peur de passer pour des romantiques, ils eurent tous honte de paraître sentimentaux. Aucun d’entre eux ne se préoccupa de savoir d’où venait la consigne : tous s’empressèrent de satisfaire la demande du marché, qui était devenu un marché américain. […]
Dans ma quarantième année, je voulais encore être chef d’orchestre, surtout quand j’avais entendu une œuvre mal dirigée, ce qui arrivait souvent. Mais après avoir étudié à fond l’œuvre ainsi maltraitée et tenté de mettre mes propres sentiments en accord avec ceux du compositeur, je me trouvais confronté à un si grand nombre de problèmes que je m’écriais : « Quelle chance que je n’aie pas eu à diriger cette œuvre ! ». Quand je réentendais ensuite la même œuvre, il me semblait que le chef d’orchestre avait pris une éponge mouillée pour effacer toute trace des problèmes qui m’avaient tourmenté : il dirigeait dans un tempo rigide et inflexible.
Arnold Schoenberg
Le style et l’idée, textes choisis par L. Stein et traduits de l’anglais par C. de Lisle, Buchet Chastel, Paris, 1977.
Girolamo Bottiglieri violon
D’origine italienne, Girolamo Bottiglieri sort diplômé à dix-huit ans du Conservatoire de Santa Cecilia à Rome (classe de Giovanni Leone). En 1992, il est élève de Corrado Romano au Conservatoire supérieur de musique de Genève, où il remporte en 1997 le premier prix de virtuosité.
Lauréat de plusieurs concours internationaux, il s’est produit en soliste avec, entre autres, l’Orchestre de la Suisse Romande.
Il est fondateur et premier violon du quatuor Terpsycordes, qui, en 2001, obtient le premier prix de virtuosité au Conservatoire de musique de Genève (classe de Gabór Takács-Nagy) et gagne le premier prix lors du 56e Concours de Genève. Depuis, le quatuor Terpsycordes mène une carrière internationale.
Girolamo Bottiglieri consacre une partie importante de son activité à la recherche philologique et à l’exécution des répertoires baroque, classique et romantique sur instruments historiques ; il est fondateur et premier violon de l’ensemble baroque La Nouvelle Ménestrandie.
Au sein des différents ensembles avec lesquels il collabore (La Cappella Mediterranea, Gli Angeli Genève, Clematis) il a enregistré avec les labels Sony Vivarte, Ambronay Editions et Ricercar des disques récompensés avec d’importantes distinctions (Prix de l’Académie du disque lyrique, ffff de Télérama, Choc de Classica, nomination aux Midem Classical Awards, Gramophone Editor’s Choice).
Girolamo Bottiglieri joue un Nicolas Lupot (Paris, 1813), propriété de M. Gilles Stickel.
Raya Raytcheva violon
Née à Pleven (Bulgarie) en 1976, Raya Raytcheva reçoit la bourse de la Fondation Kayaleh qui lui permet de poursuivre ses études en Suisse. En 2001, elle obtient le premier prix de virtuosité au Conservatoire de Genève et, quelques années plus tard, le premier prix de virtuosité de quatuor à cordes.
Raya Raytcheva partage son temps entre l’enseignement au Conservatoire Populaire de Musique de Genève et le quatuor Terpsycordes, avec lequel elle mène une riche carrière de chambriste.
Caroline Cohen-Adad alto
Née à Genève en 1975, c'est au Conservatoire supérieur de musique de sa ville, dans la classe de Nicolas Pache, qu'elle obtient ses diplômes. Elle se produit en concert à travers l'Europe, principalement en formation de chambre, avec des musiciens tels que Rainer Kussmaul, Emmanuel Pahud, Francesco Petracchi. Elle a participé à la création de plusieurs œuvres contemporaines et joue en tant qu'alto solo, baroque comme moderne, sous la direction de chefs tels que Gabriel Garrido et Emmanuel Krivine.
Elle enseigne le quatuor au Conservatoire populaire de musique de Genève. Caroline Cohen-Adad est l'altiste du quatuor Terpsycordes.
Emmanuel Balssa violoncelle
Violoncelliste et violiste, Emmanuel Balssa a étudié le violoncelle avec Maurice Gendron, le violoncelle baroque avec Richte van der Meer et la viole de gambe avec Wieland Kuijken.
Violoncelle continuo des Arts Florissants, membre de l’Orchestre du XVIIIe siecle, du Bach Collegium Japan et violoncelle solo de l’Orchestra Libera Classica (Japon), il se produit également régulièrement en récital de musique de chambre, notamment avec le flûtiste Alexis Kossenko et le pianiste Remy Cardinale . En, il a enregistré avec Bertrand Cuiller et Alix Verzier six sonates pour violoncelle et basse continue de Lanzetti. Emmanuel Balssa est également membre de l’ensemble de violes Orlando Gibbons.
Il enseigne le violoncelle baroque au Conservatoire du 7ème arrondissement à Paris, la viole de gambe et le violoncelle baroque à l’Escola Superior de Musica de Catalunya de Barcelone.
Rémy Cardinale piano
Lauréat d'un premier prix de piano, d'un premier prix de musique de chambre et d'un premier prix de pianoforte au Conservatoire national de musique de Paris, Rémy Cardinale a également remporté le quatrième prix du Concours international de Bruges et le premier prix de musique de chambre du Concours Boeringer Ingelheim.
Curieux des musiques et répertoires de toutes les époques, Rémy Cardinale a développé un goût particulier pour l’interprétation des œuvres sur instruments historiques. À Paris, La Cité de la Musique l’invite à se produire dans le cadre du domaine privé consacré à John Eliott Gardiner de même qu’à l’exposition Chopin à Paris, ou encore, avec Magali Léger, dans un programme Debussy, Fauré, Chausson et Duparc, il est aussi intervenant au Musée de la Cité de la Musique.
Parallèlement à sa carrière de soliste, il a notamment interprété des concerti de Ravel, Beethoven et Mozart, Rémy Cardinale se consacre pleinement à la musique de chambre. Il a enregistré l’intégrale de l’œuvre pour violoncelle et piano de Fauré sur instruments historiques et en duo avec le violoncelliste Florent Audibert, les Sonates de Brahms et Fantasie-Stücke de Schumann, disque récompensé de 5 Diapasons.
Un disque Mozart, Beethoven, avec Hélène Schmitt, est paru chez Alpha.