Lettre de Henry Bernstein à la Princesse de Polignac n°40

Publié dans Lettre

157, boulevard Haussmann

Princesse,

J’ai trouvé en revenant de la campagne le plus charmant souvenir.

Votre pensée me touche tellement, tellement...

Et me plaçant résolument à un plan inférieur, je veux tout de suite ajouter que ce cadeau me cause un pénétrant plaisir.

Depuis si longtemps, je cherchais un cachet qui pût demeurer en évidence sur une table de laque. Et je ne rencontrais que des objets de forme odieusement utilitaire et enrichis de ces mélancoliques petits attributs d’un goût exquis, de couleur hideuse, qui, aux heures de grand abattement prennent une apparence si étrangère, si hostile et semblent narguer notre misère intérieure.

Mais vous, Princesse, avec la sûreté du génie, vous avez su, et sans une hésitation, je le jurerais, choisir un cachet de rêve, transparent, pur, ailé, une petite vision d’artiste fixée dans le verre.

Je sens que je considérerai toujours avec une profonde confiance, avec beaucoup d’amitié émue ce petit illi d’air qui voudrait je crois s’envoler par-dessus les toits et arriver en même temps que les lettres d’amour, pour sceller les serments éphémères , qui bouillonnent sous l’enveloppe et sous la cire.

Princesse, je suis désespéré de n’être pas libre dimanche, mais, si vous me le permettez, je vous téléphonerai et vous demanderai de m’accorder prochainement la joie de causer avec vous. Je vous supplie de croire, je veux que vous sachiez que je vous admire profondément pour tout ce que vous valez et que tout le monde reconnaît, pour tout ce que vous pouvez être et qui est si beau et si émouvant et que je sais. Souffrez, Princesse, que je mette à vos pieds l’hommage de ma fidèle amitié consciente (?) et toute dévouée et de mon respect profond.

Henry Bernstein

Hélas! hélas!...  Heureux ceux qui ont un coeur fidèle : je les jalouse. (Ceci est une confidence attristée et que vous garderez pour vous, je le sais)

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