Lettre de Colette à la Princesse de Polignac n°93
(sans date)
Très chère Winnie, c'est encore moi, car je vais de mieux en mieux, grâce au vent d'ouest. Maintenant, il faut que vous décidiez du jour où nous célèbrerons la truffe ensemble ! A cause de la négligence où mon mal a laissé le rudimentaire "studio", je ne déménagerai que vendredi prochain. Dans le pauvre Claridge en loques, des équipes d'ouvriers qui prétendent édifier en même temps une brasserie et un ascenseur, sévissent jour et nuit, et j'hésite à vous demander cette preuve d'affection : causer ensemble au rythme des marteaux. Pourtant j'ai grande envie et besoin de vous voir : si nous mangeons ensemble la truffe chez Mrs. Fellowes, ou chez vous, je dois savoir le jour au moins quatre jours à l'avance, pour que les truffes viennent à point de Cahors ! Voulez-vous laisser tomber, sur ces complications, un mot définitif ?
Nous mangerons, léger et savoureux, le menu suivant :
L'omelette au lard
Les truffes
Un joyeux fromage
Et quelque fruit
Peu de vin mais bon.
Je me charge des truffes, (prière de me dire le nombre des convives), et du fromage, naturellement. Si cela vous plaît mieux, des oeufs en cocotte à la crème au lieu d'omelette. Il faut aborder la truffe avec une bouche fraîche, qui n'a rien goûté d'épicé.
Les truffes, je les apporte toutes brossées, et j'arrive, ici ou là, à temps pour les faire cuire, la cuisson ne demandant pas plus d'une demie-heure, quarante minutes si le vin est très froid.
Je me réjouis d'avance et vous embrasse et vous chéris. Votre Colette.
Rien ne s'oppose, si vous le préfériez, à ce qu'un déjeuner remplace le dîner. Mais n'ayez pas peur du dîner, la truffe pure est très légère.
{gallery}correspondances/161{/gallery}