Joseph Bédier

Publié dans Membres historiques du conseil

Joseph Bédier ( † 1938)

Président de la Fondation Singer-Polignac de 1932 à 1938

Membre du conseil d'administration 1928 - 1938

alt"D’ascendance bretonne, Joseph Bédier hérita de ses ancêtres des cheveux blonds, des yeux très bleus, et un sens de l’honneur extrêmement développé. Son trisaïeul, chirurgien du roi, débarqua un jour avec son régiment dans la lointaine petite île Bourbon; il s’y fixa. Peuplée de familles originaires, pour la plupart, de Bretagne, l’île se couvrit très vite de riches cultures; la canne à sucre y fut introduite par un Bédier.

C’est au cours d’un voyage de ses parents en France que Joseph Bédier naquit à Paris en 1864; mais il fut élevé à la Réunion et fréquenta le lycée de Saint-Denis. Il alla poursuivre ses études à Paris, entra à l’École normale supérieure dans la section des lettres et y retrouva son frère Édouard, inscrit à la section des sciences. Celui-ci voulut vivre dans leur île tant aimée; il mourut comme proviseur du lycée de Saint-Denis.

Joseph revint à Paris après un bref séjour à Bourbon ; il suivit les cours de Gaston Paris au Collège de France et resta son élève préféré.

Tout d’abord lecteur à l’université allemande de Halle, ensuite professeur à Fribourg en Suisse, Bédier est nommé maître de conférences à Caen à l’âge de vingt-six ans: sa thèse de doctorat sur les Fabliaux révèle une puissante originalité.

À vingt-neuf ans, il revient à l’école de la rue d’Ulm en qualité de maître de conférences. Il entreprend une tâche passionnante: la reconstitution du roman de Tristan et Iseult à l’aide de fragments divers traduits au XIIIe siècle en différentes langues. Bédier en fait un amalgame qui est une magnifique réussite: « C’est un poème français du milieu du XIIe siècle, mais composé à la fin du XIXe, en belle et simple prose » par un homme qui « aime modeler ses phrases, écouter leur rythme et leur musique ». L’ouvrage paraît en 1900; les éditions de ce chef-d’œuvre se succèdent encore aujourd’hui. Le Collège de France accueille Bédier en 1903 pour succéder à Gaston Paris dans la chaire de langue et littérature françaises du Moyen Âge. Faire des cours sur des sujets de son choix lui donne la précieuse liberté qui lui manquait à l’École normale. Il aborde le problème de l’origine des chansons de geste des XIe et XIIe siècles.

Il acquiert vite la conviction du rôle décisif des abbayes qui jalonnaient les routes des pèlerinages, dans la naissance de ces poèmes composés à la gloire de héros ou de saints locaux, morts depuis des siècles, mais dont les moines conservaient les reliques et connaissaient les merveilleuses aventures: « Les trouvères puisaient auprès des moines le thème des poèmes qu’ils composaient pour enchanter les pèlerins. »

En 1913, paraissent les Légendes épiques où Bédier démontre que ces épopées appartiennent bien à la France et qu’elles ne sont nullement animées par le souffle des forêts germaniques. «La Chanson de Roland, qui exalte la fidélité et l’honneur, est à nous. Nous vous remercions, Monsieur, d’avoir démontré ce que nous sentions », dira Louis Barthou en recevant Joseph Bédier à l’Académie française en 1920.

Choisi par ses pairs, Bédier administra le Collège de France à partir de 1929. Messager illustre de la France, il succéda à Raymond Poincaré à la présidence de l’Alliance française en 1934. Le gouvernement de la République l’éleva à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur en 1937.

Il mourut le 29 août 1938 au Grand-Serre, dans le Dauphiné, où il a été inhumé. Joseph Bédier présida à la naissance de la fondation Singer-Polignac. Une des premières manifestations scientifiques organisées sous les auspices de cette fondation fut un colloque international sur les hormones sexuelles qui se tint au Collège de France en juin 1937. Au nombre des participants, j’ai écouté avec émotion le grand lettré nous accueillir et nous rappeler très simplement l’étymologie du mot « hormone ». Il nous conduisit ensuite à l’hôtel de l’avenue Henri-Martin et nous présenta à la princesse qui sut favoriser si noblement, en France, le développement des arts, des lettres et des sciences."

 

Robert Courrier (†), secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences