La lutherie et l'archèterie au XXIe siècle

Publié dans Saison 2010-2011

Programme

Oeuvres

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)

Duo pour violon et alto en sol majeur K.423

  • 1. Allegro
  • 2. Adagio
  • 3. Rondeau

Roland Daugareil violon

Michel Michalakakos alto

Ludwig van Beethoven (1770-1827)

Quatuor à cordes n° 7 en fa majeur opus 59 n° 1 «Razumovski»

  • 1. Allegro
  • 2. Al legretto vivace e sempre scherzando
  • 3. Adagio molto e mesto
  • 4. Allegro

Quatuor Ardeo

Olivia Hughes, Carole Petitdemange violon

Caroline Donin alto

Joëlle Martinez violoncelle


César Franck (1822-1890)

Sonate pour violon et piano en la majeur (1886)

  • 1. Allegro ben moderato
  • 2. Allegro

Augustin Dumay violon

Guillaume Vincent piano


Ernest Chausson (1855-1899)

Concert pour violon, piano et quatuor à cordes en ré majeur opus 21

  • 2. Sicilienne

Augustin Dumay violon

Guillaume Vincent piano

Quatuor Ardeo

Interprètes

Augustin Dumay violon

Roland Daugareil violon

Michel Michalakakos alto

Biographie

Dumay_Gabriela_Brandensteinx600Augustin Dumay violon

Augustin Dumay s'est imposé ces dernières années comme l'un des plus talentueux artistes de sa génération. The Strad Magazine l'a récemment décrit comme « l'héritier légitime de la lignée royale belge d'Ysaÿe et Grumiaux », dont il a été le disciple.

La reconnaissance internationale vint en 1979 lorsque Herbert von Karajan invite Augustin Dumay à jouer en soliste pour un concert de gala à Paris avec le violoncelliste Yo-Yo Ma, suivi d’un concert avec l’orchestre philharmonique de Berlin et Sir Colin Davis, qui lui valut les éloges unanimes du public et des critiques. Depuis, sa carrière internationale n’a cessé de se développer. Il joue régulièrement avec les plus grands orchestres mondiaux : Berliner Philmharmoniker, orchestre philharmonique du Japon, London Symphony Orchestra, Royal Concertgebouw Orchestra d’Amsterdam, orchestre philharmonique de Los Angeles, orchestre symphonique de Montréal, Suisse Romande, orchestre national de France, English Chamber Orchestra, Gustav Mahler Jugendorchester et bien d’autres, sous la baguette des plus célèbres chefs d’orchestre : Sir Colin Davis, Seiji Ozawa, Charles Dutoit, Kurt Sanderling, Wolfgang Sawallisch, Christoph von Dohnanyi, Gennadi Rozhdestvensky, Frans Brüggen, Emmanuel Krivine, Kurt Masur.

Chambriste exceptionnel, il dirige aussi les orchestres avec lesquels il joue en soliste.

Augustin Dumay se produit en récital dans les salles et les séries les plus prestigieuses, telles que le Concertgebouw d’Amsterdam, le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, le Queen Elizabeth Hall, le Wigmore Hall, le Barbican Hall, la Scala de Milan, la Philharmonie de Berlin ou le Théâtre des Champs Élysées. On a pu l’applaudir également aux festivals de Montreux, Bath, Berlin, Lucerne, Aix-en-Provence, Leipzig, Montpellier, Ravinia, au Mostly Mozart (Lincoln Center) à New York ainsi qu’au festival de Pâques de Deauville, dont il fut le fondateur aux côtés de Maria João Pires et Emmanuel Krivine.

Augustin Dumay a assuré la direction artistique du festival de Menton entre 2002 et 2005.

Depuis 2003 et jusqu’en 2014, il est directeur musical et chef principal de l’orchestre royal de chambre de Wallonie.

En 2008, Augustin Dumay a été nommé principal chef invité du Kansai Philharmonic Orchestra (Osaka) et en sera le directeur musical de 2011 à 2016.

Augustin Dumay est également professeur à la Chapelle musicale Reine Elisabeth. Ses enregistrements sont disponibles chez Deutsche Grammophon et EMI. Beaucoup ont remporté les prix les plus prestigieux: grand prix du disque, Gramophon Award, Grammy Award, Victoire de la musique. Parmi ses disques les plus récents, l’intégrale des sonates pour violon et piano de Beethoven avec Maria João Pires et les œuvres pour violon et orchestre de Mozart ont été très chaleureusement accueillis par la presse. Un disque Chausson-Ravel avec Jean-Philippe Collard et l’orchestre de chambre de Wallonie est sorti en 2005. Plus récemment, l'enregistrement du concerto de Philippe Hersant pour Radio France a été primé et mis sous presse.

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DaugareilRoland Daugareil violon

Après avoir reçu ses premier prix de violon et de musique de chambre au Conservatoire national supérieur de musique de Paris et le premier prix du concours de l’Union européenne, Roland Daugareil poursuit ses études avec Pierre Doukan, Yehudi Menuhin, Sandor Vegh, Franco Gulli et Josef Gingold. Il obtient le premier prix du concours international de Stresa puis ceux de Londres, Naples (Curci), Belgrade, Sion (Varga).

Fondateur et premier violon du quatuor Ravel pendant dix ans, soliste de l’orchestre de l’Opéra de Paris à vingt-deux ans, Roland Daugareil est ensuite nommé premier violon solo de l’orchestre philharmonique de Radio France et de l’orchestre national de Bordeaux Aquitaine. Il est également invité dans divers autres orchestres, aux Etats-Unis, en Asie et en Suisse Romande.

En 1996, il est nommé premier violon solo de l’orchestre de Paris.

Il a réalisé de nombreuses créations et s’est produit à travers le monde avec de prestigieux orchestres internationaux. Il a notamment joué en soliste sous la direction de grands chefs tels que Pierre Boulez, Zubin Mehta, Karl Böhm, Sir Georg Solti, Herbert von Karajan, Seiji Ozawa, Christoph von Dohnanyi, Wolfgang Sawallisch, Carlo Maria Giulini, Lorin Maazel, Bernard Haitink, Christoph Eschenbach. Roland Daugareil est également passionné de musique de chambre. Il fait partie du trio à cordes Sartory, en compagnie de Tasso Adamopoulos et Etienne Péclard, et s’est produit avec de grands interprètes tels que Yehudi Menuhin, Jean-Pierre Rampal, Pascal Devoyon, Jean-Claude Pennetier, Marielle Labèque, Claire Désert, Michel Michalakakos, Roland Pidoux, Jacques Rouvier, Patrick Zygmanovski, Hélène Grimaud, Christoph Eschenbach, Jean-Marie Luisada, Bruno Canino.

Invité en tant que membre du jury de concours internationaux, Roland Daugareil est professeur de violon au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, et Président et Directeur artistique de l‘académie internationale de musique de Biarritz.

Il a été décoré Chevalier de l’ordre national du Mérite et a reçu, entre autres distinctions, la médaille de Vermeil de la ville de Paris et le prix Darius Milhaud. Sa discographie, abondante et variée, a été saluée par la critique et par un «Prix du disque».

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MichalakakosMichel Michalakakos alto

Né en 1954 à Athènes, Michel Michalakakos commence l'alto à treize ans avec son père, Christos Michalakakos, puis est admis au Conservatoire national supérieur de Paris dans la classe de Colette Lequien et en musique de chambre dans celle de Joseph Calvet. Il en sort en 1977 avec son 1er prix d'alto, avant d’obtienir un an plus tard son certificat d’aptitude d'enseignement.

De 1979 à 1984 il joue au sein de l'orchestre national de France et rejoint de 1981 à 1993 le trio à cordes de Paris, aux côtés de Jean Grout et Charles Frey. Il se produit régulièrement avec des orchestres français et étrangers et donne de nombreux récitals, notamment en compagnie de la pianiste Martine Gagnepain, avec laquelle il a enregistré plusieurs disques. Il joue régulièrement en musique de chambre aux côtés de musiciens renommés tels que Roland Daugareil, Patrice Fontanarosa, Jean-Jacques Kantorow, Gérard Jarry, Régis Pasquier, Jean-Marc Phillips-Varjabébian, Gérard Poulet, Vladimir Mendelsson, Henri Demarquette, Roland Pidoux, Bernard Cazauran, Isabelle Moretti, Philippe Bernold, Jean Ferrandis, Patrick Gallois, Maxence Larrieu, Michel Arrignon, Pascal Devoyon, les quatuors Elysée, Manfred, Parisii.

Depuis 1990, il est professeur d'alto au Conservatoire à rayonnement régional de Boulogne-Billancourt, et de lecture à vue au Conservatoire national supérieur de musique de Paris depuis 1991. Parallèlement, il donne des cours d'alto et de musique de chambre au sein de stages, d’académies internationales et de masterclasses.

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VincentGuillaume Vincent piano

Guillaume Vincent est né le 9 octobre 1991 à Annecy. Il a commencé le piano à l’âge de sept ans au Centre de pratique musicale d’Annecy. Très tôt il a fait preuve d'une grande passion pour la musique et d'un profond plaisir de jouer en public.

A l’âge de dix ans il jouait pour la première fois avec orchestre, et à très vite donné en concert le concerto n° 21 de Mozart et le concerto n° 3 de Beethoven. A treize ans, il était invité aux côtés du trompettiste David Guerrier aux « Jeunes talents » organisé en 2005 par le Lion’s Club International au Théâtre d’Annecy, où il interprétait le concerto n° 1 de Beethoven et La Vallée d’Obermann de Liszt.

Après avoir suivi des master-classes avec François-René Duchable et Jacques Rouvier, il est admis en 2005 au Conservatoire national supérieur de musique de Paris dans la classe de Jacques Rouvier.

En janvier 2007, lors d’un concert organisé par la fondation de France au Conservatoire de Paris, il reçoit le prix Drouet-Bourgeois et obtient une bourse pour y poursuivre ses études. En 2008, il a décroché la mention très bien à l'unanimité du jury au prix du Conservatoire de Paris, y obtenant parallèlement son diplôme de formation supérieure et termine en 2010 son cycle de perfectionnement dans les classes de Jean-François Heisser et de Marie-Joseph Jude.

Il est sélectionné en janvier 2009 pour le concours Young Concertists Auditions à New York où il fut demi-finaliste. En tant que premier nommé, il est invité à jouer au Festival d’Usedom le 2 octobre 2008. En mars 2009, il a donné un récital au Festival Pianos en Saintonge à l’invitation d’Anne Quéfellec et il est depuis deux ans l'invité régulier des festival de Pâques et de l'Août musical de Deauville. Il s’est déjà produit de nombreuses fois en concert à Paris, en province et à l’étranger (Suisse, Portugal, Hongrie, Californie).

En 2009 il obtient le 3e prix du concours international Marguerite Long-Jacques Thibaud à Paris et est «Révélation classique» 2010 de l'Adami.

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Ardeox600Le quatuor Ardeo

Constitué en 2001 au sein du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, le quatuor Ardeo fait d’ores et déjà partie des jeunes formations françaises reconnues.

Il remporte en septembre 2004 le 2e prix et deux prix spéciaux au concours international de quatuor à cordes Chostakovitch à Moscou et en mai 2005, le 1er prix de la Fnapec lui est décerné par la fondation Polignac. En juin 2005, il reçoit le 2e prix ainsi que le prix de la presse internationale au concours international de quatuor à cordes de Bordeaux. Puis en juillet 2007 le quatuor se distingue au concours international de musique de chambre de Melbourne, où il remporte le 3e prix. En juin 2008, les Ardeo obtiennent le 3e prix au concours international Paolo-Borciani à Reggio Emilia, devenant ainsi le premier ensemble français lauréat de cette compétition.

Ayant reçu l’enseignement de Rainer Schmidt (quatuor Hagen) à l’Escuela superior de música Reina Sofía de Madrid pendant l’année universitaire 2004-2005 grâce à une bourse octroyée par l’entreprise Sacyr, puis au sein de l’Instituto de Musica de Camera de Madrid (2006-2007), il bénéficie également des master classes du quatuor Hagen (Mozarteum de Salzbourg), de Pierre-Laurent Aimard (Conservatoire national supérieur de musique de Paris), Walter Levin, Günter Pichler, Paul Katz (programme de formation Pro-Quartet), de Peter Frankl, du Fine Arts Quartet, de Milan Skampa, François Salque, Alain Meunier, Alessandro Moccia.

Le quatuor Ardeo a été invité à se produire dans de nombreux festivals et salles de concerts en France et à l’étranger : Noël au Kremlin – Moscou, Santander – Espa­gne, Kuhmo – Finlande, musée d’Orsay, Concertgebouw d’Amsterdam, Musiques d’été d’Épernay, festivals du Comminges, d’Entrecasteaux, de Gigean, de Pâques et de l’Août musical de Deauville, les Dominicains en Haute-Alsace, Musique en Périgord, Moments musicaux de La Baule, Septembre musical de l’Orne, Orangerie de Sceaux, festival de Corbigny, Rencontres des musiciennes d’Ouessant. Le quatuor Ardeo a été choisi par CulturesFrance pour bénéficier du programme Déclic, en partenariat avec Radio France. Il est soutenu par le mécénat musical Société générale depuis 2005.

En mars 2007, le quatuor a présenté son premier disque consacré aux deux premiers quatuors de Charles Koechlin. En automne 2009 a paru le quintette avec piano de Chostakovitch en compagnie de David Kadouch bientôt suivi du quintette avec piano de Schumann, toujours avec David Kadouch (Ligia Digital).

Joëlle Martinez joue un violoncelle de Charles Jacquot (1846) prêté par la fondation Zilber.

Le quatuor est en résidence à la Fondation Singer-Polignac.

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Présentation

Prologue

Dans ce programme, les œuvres semblent presque s'engendrer les unes les autres : Mozart, dans une certaine mesure, annonce la première manière de Beethoven. De façon plus nette encore, Beethoven sert de modèle à César Franck à la fin du XIXe siècle. Enfin, Ernest Chausson fut l'un des plus fervents disciples de la « bande à Franck »

*

Le duo pour violon et alto K.423 qui ouvrira ce programme fut composé par Mozart en 1783, pour venir en aide à son ami Michaël Haydn. Celui-ci, malade, n'était pas en état d'honorer une commande de l'archevêque Coloredo qui le persécutait – tout comme il avait persécuté Mozart. Mozart a donc mis un point d'honneur à lui rendre service en écrivant ces deux duos Koëchel 423 et 424. Ces brèves compositions de 1783 sont d'un Mozart en pleine maturité. Dans cet exercice d'écriture assez dépouillé, il montre un art consommé pour faire dialoguer les deux instruments dans une véritable conversation en musiques, digne de ses meilleures œuvres de style galant.

*

Le premier quatuor « Razumowski » appartient, lui, à la famille des grands chefs-d'œuvre et nous conduit au sommet du classicisme beethovénien, ou si l'on préfère de sa « seconde manière ».

Il faut rappeler en effet que les musicologues ont l'habitude de diviser l'oeuvre de Beethoven en trois « périodes » ou « manières » successives. La première, on l'a dit, est encore tributaire de l'influence de Mozart et Joseph Haydn. Quant à la troisième manière, elle a d'abord rebuté ses contemporains qui la trouvaient bizarre, incongrue, à l'image du critique Paul Scudo (« Les derniers Quatuors de Beethoven sont la source troublée d’où sont sortis les mauvais musiciens de l’Allemagne moderne, les Liszt, les Schumann, les Wagner, sans omettre Mendelssohn »). Par la suite, dans un renversement total, cette troisième période est devenue un modèle absolu, nourrissant une véritable religion artistique à la fin du XIXe siècle, comme le décrit Proust, en évoquant ces mêmes quatuors qui faisaient« bomber » le beau front de Mme Verdurin.

Évidemment, cette dernière manière de Beethoven est fascinante d'originalité. Mais elle ne doit pas nous conduire à sous estimer l'autre sommet de son œuvre, cette « seconde manière », qui marque l'aboutissement du classicisme beethovénien – dans une forme encore tributaire de la tradition viennoise, mais totalement investie par le génie du compositeur. Cette seconde période correspond aux grandes symphonies à partir de l'Héroïque, aux concertos pour piano n°4 et 5, à la sonate Apassionnata ou encore à ces trois quatuors Razumowski qui marquent une grande rupture, par rapport aux 6 quatuors de l'opus 18.

Pour caractériser ce classicisme beethovénien, le musicologue américain Joseph Kerman écrit : « On serait porté à dire qu'une œuvre du Beethoven parvenu à maturité est une "personne". Car on la rencontre et on y réagit avec la même spécificité, la même intimité et le même intérêt qu'en présence d'un être humain. » Ainsi chaque œuvre a désormais une personnalité, un caractère très marqué, dès les premières notes et jusqu'à la fin – loin de cette conception par séries qui marquait encore le premier Beethoven.

Dans ce septième quatuor on sera frappé en particulier par cette énergie extraordinaire qui se déploie dans les deux premiers mouvements ; l'entrée immédiate du premier thème, sans préparation ni introduction, et surtout par cet art fascinant du développement qui permet au compositeur de varier à l'infini un simple motif, dans un jeu de transfigurations. En ce sens, le second mouvement, en forme de scherzo, reste un des plus étonnants moments d'invention beethovénienne, avec sa formule rythmique transformée à l'infini.

Le beau troisième mouvement est sans doute d'allure un peu plus classique, tout comme le finale inspiré par des thèmes russes – car ce quatuor fut composé en 1806 à la demande du comte André Kirilovitch Razumowski, grand mécène de Beethoven et ambassadeur de Russie à Vienne.

Beethoven était alors un musicien illustre, mais cette œuvre parut pour le moins déconcertante, lors de sa première exécution publique. Certains critiques crurent entendre « Une mauvaise farce de toqué, une musique de cinglé ». Et il fallut encore quelques années pour qu'un Robert Schumann écrive, à propos du scherzo : « Beethoven trouve ses motifs dans la rue, mais il en fait les plus belles paroles du monde ».

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Avec César Franck, nous franchissons près d'un siècle, puisque sa sonate pour piano date de 1886... Chez ce compositeur aussi, on peut retrouver trois périodes – mais selon une organisation très différente de Beethoven : d'abord, une carrière d'enfant prodige belge monté à Paris, devenant un jeune compositeur productif mais sans grande originalité. Ensuite un long passage à vide, où son ambition de compositeur se fera tâtonnante. Enfin, un automne radieux, au cours des dix dernières années de sa vie qui voient naître quasiment tous ses chefs d'œuvres : la symphonie, le quintette, le quatuor, les variations symphoniques – autant de pages essentielles et décisives dans l'histoire de la musique française, quand bien même on ne les joue plus guère aujourd'hui.

Seule la sonate pour violon et piano reste très présente au répertoire, grâce à l'amour que lui portent les violonistes. Comme toutes les partitions de Franck, elle porte la marque de la grande architecture beethovénienne, mais aussi d'une expressivité et d'un chromatisme marqués par Wagner. Elle illustre également tout un système personnel, à travers cette forme « cyclique », qui fait ressurgir le même thème, plus ou moins transformé d'un mouvement à l'autre

Nous écouterons les deux mouvement vis qui ouvrent cette sonate – entrée aussi dans l'histoire par la littérature puisque c'est un des modèles de la Sonate de Vinteuil, dont Proust nous donne cette belle description : « D'abord le piano solitaire se plaignit, comme un oiseau abandonné de sa compagne ; le violon l'entendit, lui répondit comme d'un arbre voisin. C'était comme au commencement du monde, comme s'il n'y avait encore eu qu'eux deux sur la terre, ou plutôt dans ce monde fermé à tout le reste, construit par la logique d'un créateur et où ils ne serait jamais que tous les deux : cette sonate.»

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Ernest Chausson, avec lequel nous terminerons ce programme est, je vous le disais, l'un des chefs de file de l'école franckiste, avec d'Indy, Ropartz et Duparc. Avec eux, il incarne une sorte de postromantisme à la française illustré, notamment par son merveilleux poème pour violon et orchestre, ou son extraordinaire Concert pour piano, violon et quatuor à cordes, composée en 1890.

Nous entendrons le mouvement le plus paisible de cette œuvre très expressive, cette belle Sicilienne qui nous rappelle que Chausson était aussi un compositeur français, amoureux des danses de caractère, comme Fauré ou Saint-Saëns. Personnage central de la vie artistique parisienne, lié aux impressionnistes et aux poètes symbolistes, ami proche du jeune Debussy, ce musicien tellement prometteur devait disparaître précocement, en 1899, âgé de 44 ans.

Benoit Duteurtre