Grandes figures du romantisme musical français | 13 février 2007
Le romantisme musical français a-t-il existé ? La réponse la plus courante tient dans un seul nom : celui d'Hector Berlioz qui soulignerait à la fois l'existence, dans notre pays, d'un génie digne des grands romantiques allemands - et en même temps son isolement, puisqu'il serait quasiment seul à incarner ce mouvement, dans un océan de médiocrité, tout entier dévolu à l'opéra et à l'itanianisme débridé.
Cette conception pour le moins simpliste n'était sans doute pas pour déplaire à Berlioz, principal promoteur de sa propre image de génie isolé et persécuté. Il est vrai, d'ailleurs, que la France apparaît pour le moins "décalée" dans l'histoire du romantisme - apparu bien plus tôt en Angleterre avec Byron et en Allemagne avec Goethe. En musique, le répertoire de symphonies et de musique de chambre, si important dès Beethoven et Schubert, ne s'affirmera chez nous qu'à la fin du XIXe siècle, avec Franck, Saint-Saëns et leurs héritiers.
Mais à cette vision réductrice, on peut en opposer une autre, en rappelant que Paris fut, par d'autres aspects, la véritable capitale du romantisme musical : lieu de révélation des grands virtuoses comme Liszt, Paganini et Chopin (d'ailleurs à moitié français) ; scène principale de l'opéra romantique italien (Bellini, Verdi, Donizetti sont tous plus ou moins parisiens) ; et même berceau de l'orchestre moderne - Wagner lui même déclarant avoir "entendu" vraiment pour la première fois Beethoven à Paris, sous la direction d'Habeneck.
Ainsi, plutôt que nier ou d'exagérer l'importance du romantisme musical en France, convient-il d'en préciser les caractères et spécificités, largement illustrés par ce programme :
- L'importance de l'inspiration littéraire d'abord, qui prend un éclat particulier chez Berlioz. Ses véritables modèles se nomment Goethe ou Byron, omniprésents dans son oeuvre lyrique (/La damnation de Faust/) ou dans sa musique symphonique (/Harold en Italie/).
- La place centrale de l'opéra qui reste, tout au long du XIXe siècle, le genre le plus prisé en France. Il n'en participe pas moins à l'esthétique romantique, avant même Berlioz (dans /Zampa/ d'Herold ou /La dame blanche/ de Boieldieu) puis chez ses successeurs comme Gounod qui reprend le sujet de /Faust/ et se verra lui même qualifier par ses ennemis de "wagnériste", autrement dit de romantique déchaîné.
- L'importance du répertoire de "mélodie" qui va prendre le relais de la romance de salon et jouer, dans notre pays, le même rôle que le lied en Allemagne. On en trouve de très beaux accomplissements chez Berlioz mais aussi chez son contemporain Félicien David dont les poèmes conservent une fraîcheur schubertienne. Très importantes, les mélodies de Gounod feront le pont entre le romantisme et la musique française moderne, toute en nuances harmoniques et en inflexions subtiles pour mettre en lumière le texte chanté.
- Le goût de l'effet, le sens de la trouvaille sonore reste toutefois, probablement, le trait le plus caractéristiques de la musique française, des pièces de Couperin jusqu'à l'"impressionnisme". Il se manifeste à la fois chez Berlioz (son génie de l'orchestration), chez Félicien David, auteur de l'étonnant /Désert/ et chez ce grand oublié qu'est Charles Valentin Alkan. Virtuose admiré, promoteur de la musique de Bach en France, avant-gardiste et socialiste illuminé, Alkan déploie comme compositeur une imagination saisissante qui donne à son clavier quelque chose de fantastique et de possédé.
Ces quelques traits suffisent à montrer la richesse et la diversité du romantisme musical français... même quand il se déploie sur d'autres terrains que la musique allemande, et montre notamment une cerrtaine pauvreté dans le domaine de la musique de chambre.
La figure de Georges Onslow, qui conclura ce programme, montre pourtant, là encore, une activité fervente, quoique relativement isolée. Ce musicien d'origine anglaise, formé en Allemagne où sa musique restera longtemps au répertoire, connaîtra assez de succès pour entrer à l'académie des Beaux Arts. Il laisse une oeuvre abondante de 36 quatuors, 34 quintettes, et nous sommes heureux d'en donner à redécouvrir, ce soir, quelques fragments, pour achever de démontrer que la question du romantisme musical français reste pour le moins ouverte, complexe et passionnante.