Les Ombres - The Tempest
Prologue
Le programme que vous allez entendre a été conçu initialement comme un spectacle, donné par Les Ombres à l'opéra de Montpellier, autour du thème de la tempête vu par deux compositeurs : Rameau et Purcell. Il ne s’agit donc pas d’un concert traditionnel, mais plutôt d’un voyage poétique et musical fondé sur des enchaînements, des oppositions, des correspondances.
La tempête et, plus largement, l'évocation de la nature, des éléments, du vent ou des saisons, se retrouvent tout au long de l'histoire de la musique. La mieux connue de ces évocations est évidemment celle de la Symphonie Pastorale, mais on pourrait citer nombre d'autres exemples aux XIXe et XXe siècle, comme telle étude de Liszt ou telle fantaisie symphonique de Tchaïkovski qui s'intitulent également « la tempête », sans parler des tempêtes de Verdi ou de Wagner, ni de la présence du vent ou de la neige dans les Préludes de Debussy. Plus en amont dans l'histoire musicale, on remarque aussi l'importance des saisons à la Renaissance, chez Janequin ou Claude Le Jeune. Mais c'est probablement l'époque baroque qui s'intéressera le plus à la nature et à ses déchaînements, vus comme une espèce de théâtre naturel : je songe aux Eléments de Jean-Ferry Rebel, aux Quatre saisons, bien sûr, et surtout à quantité d'opéras ou de scènes d'opéra où la tempête fait quasiment office de genre musical à part entière.
Tel est le cas pour les deux compositeurs de notre soirée : d'un côté Henry Purcell qui accorde une grande importance aux éléments dans ses différents opéras (tout le monde connaît la fameuse Cold Song de King Arthur), et qui a collaboré à la mise en musique de La Tempête de Shakespeare ; de l’autre côté Rameau dont Les Boréades se déroulent pour une bonne partie sous le ciel déchaîné. D'où le découpage du programme en deux parties, la première consacrée à Rameau, la seconde à Purcell.
Il aurait d'ailleurs été difficile de mélanger davantage ces compositeurs qui occupent deux planètes très éloignées de l'histoire musicale, quand bien même ils appartiennent l'un et l'autre à la galaxie baroque. Purcell a vécu au XVIIe siècle, il est mort jeune et passe pour le plus grand compositeur baroque anglais – si l'on considère que Haendel n'était pas tout à fait anglais. Rameau a vécu au XVIIIe siècle, il est mort âgé et passe pour le plus grand compositeur baroque français – si l'on considère que Lully n'était pas tout à fait français. Il est probable, en outre, que Rameau ne savait à peu près rien de Purcell, alors quasi inconnu en France. Mais, au-delà même des questions d’époques, ce sont deux tempéraments musicaux très différents.
Rameau est longtemps apparu comme un incarnation de la rationalité française en musique, ce qu'on lui a parfois reproché comme une forme de sécheresse. Je cite Gustave Leonhardt : « Sa musique est superbe dans sa forme et son apparence. Mais lorsqu'on gratte, il y a du vide derrière ». Sa figure a également cristallisé, plus que tout autre, ces combats idéologiques autour de la musique, chers à notre pays : que ce soit comme porte-parole de cette musique française que Jean-Jacques Rousseau jugeait contre-nature, et à laquelle il préférait la musique italienne ; que ce soit par sa présence dans Le Neveu de Rameau de Diderot où il est dit « C'est un homme dur ; c'est un brutal ; il est sans humanité ; il est avare. Il est mauvais père, mauvais époux, mauvais oncle ». Que ce soit encore au XXe siècle, comme incarnation de cet esprit français que Debussy souhaite mettre en avant, face à la musique allemande, dans sa célèbre formule « Vive Rameau, à bas Glück ».
Ce rôle historique aura d'ailleurs valu à Rameau de demeurer présent dans le répertoire musical à travers quelques ouvrages : Les Indes galantes une des créations les plus marquantes de l'opéra de Paris dans les années cinquante, mise en scène par Maurice Lehmann, ou encore Platée, redécouvert au festival d'Aix et qui comporte pas moins de deux tempêtes... Mais c'est beaucoup plus récemment que le renouveau baroque a rendu au compositeur une place beaucoup plus importante englobant l'ensemble de sa production et notamment de ses opéras. Car il en a écrit une trentaine relevant de différents genres : en particulier les opéras ballets et les tragédies lyriques – comme ces Boréades dont nous allons entendre de nombreux extraits, et qui sont la dernière grande tragédie lyrique de Rameau, et l'un des derniers chefs d’œuvre de l'opéra baroque.
Inversement, Henri Purcell est apparu très tard au public français, à l'occasion notamment des enregistrements d'Alfred Deller. Je me rappelle également, quand j'étais encore adolescent, l'écoute enthousiaste des Odes pour la reine Mary enregistrées chez Erato par le jeune John-Eliot Gardiner ; et ce sentiment de découvrir un compositeur extraordinaire de naturel, de sensibilité, mais aussi le musicien qui faisait idéalement chanter la langue anglaise. Pourtant, du vivant même de Purcell, l'opéra anglais existait à peine et ne jouait aucun rôle dans la vie musicale européenne, toute entière polarisée sur l'opposition du style français et du style italien. C'est ainsi que Purcell lui-même, après avoir été d'abord un compositeur italianisant, allait se rapprocher de l'école française de Lully et donner vraiment jour à un grand art lyrique anglais avec Didon et Enée, mais aussi avec ses «semi-opéras » : une forme mi théâtrale, mi musicale, typiquement anglaise dont nous entendrons ce soir quelques illustrations extraites de King Arthur, La Tempête, The Fairy Queen ou encore The Indian Queen. Autant de chefs d’œuvre qui ont changé notre regard sur Purcell, aujourd'hui considéré comme un des plus grands maîtres de l'histoire musicale, voire le plus génial entre Monteverdi et Bach.
Benoît Duteurtre
Note d'intention
Après leur spectacle Sémélé, créé à l’Opéra Théâtre de Saint-Étienne, et repris à l’Opéra National de Montpellier, Les Ombres traversent la Manche, et retrouvent William Shakespeare, qui, dans La Tempête puise son inspiration chez Ovide et Sophocle, et peut-être même du récit du naufrage du Sea Venture qui circula en son temps.
Le thème fascine, la pièce suscite de nombreuses reprises chez les peintres, écrivains, metteurs en scène et cinéastes, du baroque à aujourd’hui. Mais à Londres au tout début du XVIIIe siècle, c’est d’un semi-opéra qu’il s’agit, entreprise attribuée au célèbre Henry Purcell, auxquels des compositeurs moins connus comme Matthew Locke ont pu s’associer. Les Ombres ont choisi choisi de réunir ces diverses sources afin de nous emmener dans un tourbillon musical mêlant voix et instruments, loin, sur une île déserte où l’avenir d’un royaume peut se jouer.
Ce programme constitue, au delà d’une ode aux éléments, un véritable tableau musical, en miroir d’une réflexion humaine et sociale.
Programme
Henry Purcell (1659-1695)
Prelude
Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
Les Boréades
- Suite des vents
- Tout cède aux efforts de l'orage
- Nous n'implorons que vous
- Quatrième entrée
- Charmes trop dangereux
- Gavotte pour les Zéphirs
Henry Purcell (1659-1695)
The Indian Queen
- Air
John Eccles (1668-1735)
- Symphony
- What flattering noise is this?
- I fly from the place
- Begone, curst fiends of Hell
Jean-Philippe Rameau
Les Boréades
- Contredanse en rondeau
Henry Purcell
Dioclesian
- Chaconne for flutes
King Arthur
- Ye blust'ring brethren of the skies
The Tempest
- You awful voice I hear
The Mad Lover
- Slow Aire
The Fairy Queen
- Prelude
Dido and Aeneas
- The sailor’s dance
- The witches’ dance
King Arthur
- What power art thou
The Fairy Queen
- Now winter comes slowly
Oedipus
- Music for a while
Vidéos
Biographies
Les Ombres
L’ensemble Les Ombres, codirigé par Sylvain Sartre et Margaux Blanchard, se distingue dans le paysage baroque d'aujourd'hui par la diversité des rencontres musicales qui lui permet de mener des projets originaux autour de Bach, Couperin et Telemann, aussi bien que des créations scéniques plus importantes associant à un orchestre de chambre, solistes, chanteurs, comédiens et danseurs pour des redécouvertes d’œuvres lyriques rares. Afin de ne pas toucher seulement un public d'initiés, Les Ombres choisissent de développer l'aspect scénique de leur travail afin de créer des spectacles pouvant séduire un plus large public.
Formés à la Schola Cantorum de Bâle (Suisse) par Marc Hantaï, Paolo Pandolfo, Jesper Christensen, ou Andrea Marcon, les musiciens des Ombres partent à la redécouverte des chefs d’œuvres oubliés et rares des XVIIe et XVIIIe siècles, s'attachant à leur donner un second souffle tout en restant fidèle à l’interprétation instrumentale dite « historiquement informée » des pionniers de la musique ancienne.
Les Ombres ont fidélisé une équipe d'artistes parmi les plus talentueux de leur génération tels Isabelle Druet, Mélodie Ruvio, Chantal Santon, ou JeanFrançois Lombard, complices de nombreux projets donnés sur les scènes d’importntes maisons d’opéra (Montpellier, SaintÉtienne, Lyon) et de festivals internationaux (Ambronay, Freunde Alter Musik Basel, York, Utrecht, Tokyo). Leurs disques parus chez Ambronay Éditions et depuis 2014 chez Mirare ont été salués par la critique : 4F (ffff) Télérama, Choc de Classica, Quobuzissime, Coup de cœur du jardin des critiques de France musique, Supersonic Pizzicatto.
Les Ombres sont en résidence à l'opéra-orchestre national de Montpellier, bénéficient du soutien de la DRAC et de la Région LanguedocRoussillon et de la Fondation Orange.
Les Ombres sont membres de la FEVIS, de la PROFEDIM et sont en résidence à la Fondation Singer-Polignac.
Margaux Blanchard direction artistique et viole de gambe
La violiste Margaux Blanchard découvrela musique baroque enfant au cours de sa formation à la polyphonie vocale. Pianiste de formation, et fascinée par le courant musical « impressionniste » du début du siècle, elle lui trouve une correspondance avec la variété de la musique baroque. Elle se révèle à la viole de gambe auprès d’Ariane Maurette, et se perfectionne auprès de Paolo Pandolfo, Jordi Savall et Jérôme Hantaï. Diplômée de la Schola Cantorum Basiliensis en 2009 et lauréate de la fondation Kiefer Hablitzel, elle se produit au sein de divers ensembles (Cappella Mediterranea, Gilles Binchois, Clément Janequin...) et avec Les Ombres qu’elle fonde en 2006 avec Sylvain Sartre. En 2014 elle se produit dans de nombreux festivals (Ambronay, Haut- Jura, Aix-en-Provence, Sablé...) et maisons d’Opéra (Montpellier, Saint-Etienne, Versailles, Lille, Lisbonne,...).
Elle a également enseigné la viole de gambe au Conservatoire à rayonnement régional de Rennes en 2011.
Sylvain Sartre direction artistique, flûte traversière et piccolo
Après des études de piano et de flûte traversière, Sylvain Sartre découvre la richesse des répertoires Renaissance et baroque. Charmé par la sonorité de la flûte en bois, il se forme auprès de Annie Ploquin-Rignol, Philippe Allain-Dupré puis de Marc Hantaï à la Schola Cantorum de Bâle où il obtient son master of arts in musical performance. Il travaille en tant que flûtiste auprès de chefs renommés tels que Hervé Niquet, Leonardo García Alarcón, Chiara Banchini et Jordi Savall. Passionné par la direction, il intervient auprès de nombreux choeurs et maîtrises et assume la direction artistique des Ombres avec Margaux Blanchard. Depuis 2008, il poursuit des recherches sur des manuscrits oubliés du répertoire français du XVIIIe siècle, travaux récompensés par la Fondation de France.
En parallèle, Sylvain Sartre dirige le projet de Centre culturel de rencontre du Château de l’Esparrou (Pyrénées-Orientales).
Marc Callahan baryton
Le jeune baryton américain Marc Callahan, maintenant résident au Royaume-Uni, a étudié au Conservatoire de musique d’Oberlin où il a obtenu son Bachelor de musique, puis au Conservatoire de musique de Cincinnati où il a reçu son Master. Il a continué ses études vocales en France à l’Ecole normalede musique Alfred Cortot puis à la Scola Cantorum. À l’Opéra de Santa Fe, Marc Callahan chante l’Accusateur dans la première mondiale de Madame Mao composée par Bright Sheng sur un libretto de Colin Graham. A Berkshire, ilapparaît dans le rôle de Ramiro de L’Heure Espagnole et à l’Opéra de Dayton dans celui de Samuel dans Les Pirates de Penzance d’Arthur Sullivan. Il est Bobinet dans la production de La Vie Parisienne de Laurent Pelly au Théâtre du Capitole de Toulouse et à l’Opéra de Lyon où il retourne pour y incarner le rôle de Starvelling dans A Midsummer Night’s Dream. A l’Opéra de Marseille, il chante dans La Colombe de Gounod. Avec les Arts Florissants au Théâtre des Champs-Elysées, il interprète Artemidore dans Armide, puis on l’entend à l’Opéra Comique dans Le Carnaval et la Folie de Destouches (Carnaval et Jupiter). Il se produit également sur la scène de l’Opéra de Bucarest, l’Opéra de Reims. A son répertoire, sont inscrits les rôles de Don Giovanni, Figaro (Le Nozze di Figaro), Morales et Escamillo (Carmen), Passacaille (L’Opera seria de Gassmann), Arnheim (La Bohémienne de M.W. Balfe), le Conseiller commercial (Intermezzo), Arlequin (Ariane auf Naxos). Il a chanté en soliste avec un certain nombre d’ensembles baroques français comme Les Arts Florissants et Le Concert Spirituel avec lequel il est parti en tournée au Japon pour King Arthur de Purcell (Comus/Shepherd).
Plus récemment il a interprété le rôle-titre de Don Giovanni (Olivier Award winning Opéra Up Close). Marc Callahan a étudié la danse (la danse classique, le jazz et la danse baroque française) ; mais aussi le théâtre, avec une prédilection pour les pièces de Shakespeare.
Jean-François Lombard haute-contre
Jean-François Lombard commence ses études de chant, solfège et histoire de la musique au Conservatoire à rayonnement régional de Rouen. Passionné de musique ancienne, il entre à la Maîtrise du Centre de Musique Baroque de Versailles dirigée par Olivier Schneebeli. Très vite remarqué, grâce à sa tessiture de «ténor haute-contre», il collabore dès la fin de ses études avec le Poème Harmonique (Vincent Dumestre), Les Paladins (Jérôme Correas), La Petite Bande (Sigiswald Kuijken), Les Folies Françoises (Patrick Cohën-Akenine), Les Musiciens du Louvre (Marc Minkowski), La Grande Ecurie et la Chambre du Roy (Jean-Claude Malgoire), La Maîtrise du Centre de Musique Baroque de Versailles (Olivier Schneebeli), Le Concert Spirituel(Hervé Niquet), La Risonanza (Fabio Bonizzoni), L’Ensemble Vocal et Instrumental de Lausanne (Michel Corboz), La Chapelle Rhénane (Benoît Haller), ou encore les Arts Florissants (William Christie).
A la scène, Jean-François Lombard chante Arnalta et Nutrice dans l’Incoronazione di Poppea de Monteverdi à l’Opéra de Rennes, de Massy, de Reims, au TGP de Saint-Denis, et à l’Opéra Royal de Versailles, La Nourrice dans Cadmus et Hermione de Lully à l’Opéra Comique à Paris, au Grand Théâtre de Provence à Aix-en-Provence, au Grand Théâtre du Luxembourg, à l’Opéra de Rouen, le rôle-titre d’Actéon de Charpentier au Palais des Arts de Budapest, Erice dans l’Ormindo de Cavalli à l’Opéra de Reims, de Massy, de Rennes, à la Maison de la Musique de Nanterre, l’Intendimento dans La Vita Humana de Marazzoli à Paris, au Festival d’Ambronay et au Festival de Sablé, Euriale dans Persée de Lully au Festival d’Ambronay. Il collabore avec des metteurs en scène comme Dan Jemmett, Christophe Rauck, Christian Gangneron, Benjamin Lazar. Au concert, il participe à de nombreuses productions tant en Europe qu’aux Etats-Unis.
Parmi la quarantaine d’enregistrements auxquels Jean-François Lombard a participé, on peut citer le DVD de Cadmus et Hermione de Lully avec le Poème Harmonique, l’Ormindo de Cavalli avec Les Paladins, Le Salon de Musique de Marie-Antoinette, Il Vespro de Monteverdi avec La Petite Bande, Soleils Baroques avec Les Paladins, Theatrum Musicum et Leçons de Ténèbres de Capricornus avec la Chapelle Rhénane, la Messe de Minuit de Charpentier avec les Arts Florissants, Un voyage au cœur des opéras de Lully avec le Maîtrise du Centre de Musique Baroque de Versailles.
Discographie
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CHOC DE CLASSICA !
paru chez Mirare en 2014
Aux côtés de la BBC et Kulturradio, la presse française récompense le disque Telemann, Quatuors Parisiens.
« Il faut souligner la perfection instrumentale de ce quintette (…), mais aussi son homogénéité (…). Mais c’est avant tout la justesse et le naturel avec laquelle chaque mouvement affirme son caractère qui fait le prix de cette interprétation. » Philippe Venturini
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Les Nations
Coffret 2CD - Ambronay éditions, distribution Harmonia Mundi (2012)
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Concert chez la reine
Ambronay éditions, distribution Harmonia Mundi (2010)