Poincaré

  • Lettre de Anna de Noailles à la Princesse de Polignac n°3

    8 août 1914

    Ma bien chère,

    Merci du fond du coeur pour l’aide que vous apportez aux misères de la chère et noble ville de Paris.

    Je suis en constant rapport avec M. Forteau au sujet de ce que vous faites. Les cinq mille francs que vous allez envoyer devraient servir à participer à nourrir tous les femmes et enfants qui se présentent quotidiennement au fourneau que notre comité établit dans les remises de Madame de Croisset (place des Etats-Unis). Mais un comité venant de se former sous le patronage de Monsieur (ou Madame ?ill ) Poincaré, et moi ayant été sollicitée d’en faire partie, je pense bien remettre, de votre part, à ce comité, la moitié de la somme de cinq mille francs que je vous remercie tant de bien vouloir nous envoyer. L’activité, le courage, le calme, ici, sont admirables. Au milieu de tant de phrases, je pense à vous, ma bien chère amie, avec ma tendresse inaltérable et toujours croissante. Anna.

  • Lettre de Maurice Barrès à la Princesse de Polignac n°5

    Madame,

    Pour tous les écrivains à leur début, la difficulté est la même. A mon avis. Le meilleur moyen c'est d'écrire quelques pages qui fassent dire aux connaisseurs : "c'est remarquable". Si madame Isvolsky dispose d'une revue, qu'elle se préoccupe d'y donner une collaboration saisissante, et des propositions lui arriveront. Son nom est une force. Son nom lui donne une espèce d'autorité et de compétence supplémentaires. "Moi qui ai vu le déluge", voilà ce que dit une telle signature, et c'est une indication sur ce qu'on attend au dessus d'une telle déclaration. Nous avons eu d'innombrables détails matériels, extérieurs sur les personnages des diverses classes russes, mais nous avons eu peu d'intérieurs d'âmes. On s'intéresse beaucoup aujourd'hui aux émigrés de 1793, à ces Français qui couraient l'Europe (je viens de voir le récit des français émigrés à Moscou). Est-il trop tôt pour nous donner des notes sur l'émigration russe ? Peut-être, autre question : qui étaient les jeunes filles russes ? Mais j'ai tort de m'engager dans ces apparentes précisions qui pourraient mettre madame Isvolsky sur une voie qui n'est pas la sienne. Je n'ai qu'une idée claire : le succès est décidé uniquement par des travaux, voire par un seul travail, par quelques pages qui intéressent les connaisseurs, et tout alors va tout seul.

    Je me rappelle comment, le jour du retour de Poincaré, dans le cabinet de Viviani, j'ai rencontré l'ambassadeur de Russie. Je serai heureux d'être agréable à madame Isvolsky . Veuillez agréer, Madame et amie, l'expression de mon vieil et respectueux attachement, Barrès.

    Charmes 14 septembre 1922

    Je vous retourne une lettre dont la belle écriture claire et bien ordonnée dégage de la sympathie et signifie, ce me semble, le calme, le courage.