La sociabilité européenne des frères Humboldt
Guillaume de Humboldt (1767-1835) et son frère Alexandre (1769-1859), descendant par leur mère d’une famille de huguenots, représentent à tous deux la forme la plus achevée de sociabilité scientifique internationale durant la première partie du XIXe siècle. Guillaume fut non seulement un des fondateurs de la linguistique et un théoricien du langage (il fut par exemple un des premiers bascologues) mais aussi l’initiateur d’une réforme de l’Université qui a servi de modèle durant deux siècles et le chantre d’une formation fondée sur la connaissance de l’Antiquité grecque. Son frère Alexandre fut l’un des grands découvreurs de l’Amérique latine et publia en français les résultats de sa longue exploration où les perspectives sur le devenir des sociétés se croisent avec l’attention prêtée par le naturaliste à des régions encore inconnues. Toujours soucieux d’universalité il compléta sa traversée du monde latino-américain par une exploration de l’Asie centrale.
Leur postérité recouvre l’histoire des sciences humaines, de l’anthropologie à la géographie en passant par les sciences de l’Antiquité ou la linguistique. On retrouve parmi leurs correspondants et amis, surtout pour Alexandre qui vécut longtemps à Paris, les hommes de lettre et de science les plus reconnus de leur temps, de Chateaubriand à Gay-Lussac. Témoins de la Révolution française ils ont participé aux efforts pour introduire Kant en France et ont été impliqués dans les restitutions d’œuvre d’art confisquées dans les pays germaniques par l’Empire. La dimension encyclopédique des curiosités de la fratrie sera abordée durant ce colloque qui mettra en évidence leur contribution à une république des savants selon les spécificités du XIXe siècle. On mettra particulièrement en évidence la relation de ces deux figures majeures de la vie intellectuelle allemande à l’Europe de leur temps et notamment à la France où tous deux vécurent. On soulignera également les croisements, parallélismes et interactions entre les destins des deux frères. La publication en français des recherches consacrées par Alexandre à l’exploration « des régions équinoxiales du nouveau continent » donnera lieu à une analyse rendant compte tant de la qualité du style que de celle des illustrations. Le réseau des amis français des deux frères, hommes de lettres ou savants, les étapes de leur biographie européenne du château de Tegel jusqu’à la société d’Auteuil, feront l’objet d’éclairages spécifiques.
Programme
Jeudi 15 mai
Ouverture par Michel Espagne
Président de séance : Eberhard Knobloch
- Culture et civilisation : l’amitié entre Alexandre von Humboldt et Claire de Kersaint, duchesse de Duras, d’après les lettres d’Alexandre (1815-1827) par Marc Fumaroli
- Esthétique et épistémologie d'un parcours vital. Les journaux de route d'Alexandre de Humboldt par Ottmar Ette
11 h 15 - 11 h 30 - Pause
- Le Latium et l’Hellade. Wilhelm von Humboldt et l’« Antiquité classique » par Ernst Osterkamp
- Alexandre von Humboldt et François Arago, vies parallèles, l’actualité d’un dialogue par Yves Bréchet
Questions / Réponses
Président de séance : Ottmar Ette
- Alexander von Humboldt, auteur et savant français. Écriture et réception critique en France de son œuvre en langue française par Hans-Jürgen Lüsebrink
- Deux frères, deux musées par Bénédicte Savoy
- Alexander von Humboldt et l'histoire de l'art – Le récit historique sur la peinture dans le Kosmos par David Blankenstein
Questions / Réponses
- Les frères Humboldt et les Juifs de Berlin par Céline Trautmann-Waller
- Traductions du Kosmos d’Alexander von Humboldt (français, anglais, néerlandais) par Sandrine Maufroy
Questions / Réponses
Vendredi 16 mai
Président de séance : Hans-Jürgen Lüsebrink
- Alexander von Humboldt et les langues par Jürgen Trabant
- Wilhelm von Humboldt et la mondialisation. Universalisme et « Monotonisierung » par Markus Messling
- Humboldt, le détour basque par Denis Thouard
- La Grèce d'Alexandre de Humboldt par Christian Helmreich
- Le Journal parisien de Wilhelm von Humboldt (1797-1799) ou la mise à l’épreuve de son anthropologie comparée par Elisabeth Beyer
Questions / Réponses
Président de séance : Jürgen Trabant
- Les frères Humboldt et l’idée d’Université par Michel Espagne
- Mesures et collections : un laboratoire en marche. L'empirisme raisonné du voyage en Amérique équinoxiale d'Alexandre de Humboldt et d'Aimé Bonpland, 1799-1804 par Jean-Marc Drouin et Thierry Lalande
Questions / Réponses
- Alexandre de Humboldt et les lois de la nature. Le naturaliste allemand et son modèle français par Eberhard Knobloch
Questions / Réponses
Colloque organisé par la Fondation Singer-Polignac et le labex TransgerS
(UMR 8547 Pays germaniques et UMS Respublica literaria)
Présentations : (texte & vidéo)
Culture et civilisation : l’amitié entre Alexandre von Humboldt et Claire de Kersaint, duchesse de Duras, d’après les lettres d’Alexandre (1815-1827), par Marc Fumaroli
Peut-on connaître et comprendre un savant de la stature d’Alexandre de Humboldt autrement que dans le cadre de la science et de ses institutions ? L’apparition récente, sur le marché parisien, des autographes de l’ensemble des lettres et billets adressés par Alexandre à la duchesse de Duras permet d’aller beaucoup plus loin dans la compréhension de cet autre Humboldt, hôte assidu des dîners et réceptions de l’une des reines de la haute société parisienne sous Louis XVIII. Cet aspect n’est certainement pas le plus étudié, ni même le mieux perçu de la riche personnalité du cadet des frères Humboldt. Dans ce dialogue épistolaire dont nous n’entendons que la voix d’Alexandre, affleurent à tous les détours l’opposition et l’allégorèse allemandes entre la « Civilisation » française des mœurs, qu’incarne Mme de Duras et la « Kultur » germanique, qu’incarne Alexandre de Humboldt. On croirait lire en filigrane, avec un siècle d’avance, la correspondance entre le savant Ernst Robert Curtius et le soi disant « mondain » Marcel Proust.
Esthétique et épistémologie d'un parcours vital. Les journaux de route d'Alexandre de Humboldt, par Ottmar Ette
Les journaux de route du voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent, réalisé par Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland entre 1799 et 1804, se caractérisent par leur importance épistémologique et esthétique à la fois. Témoins d'un parcours vital, les journaux de route reflètent, comme dans un miroir d'encre, l'émergence d'une épistémologie (celle de la Science Humboldtienne) et d'une écriture très spécifique (Humboldtian Writing). En même temps, les écritures superposées qui s'échelonnent tout au long d'un demi-siècle marquent la création d'une œuvre d'art dans toute sa complexité picturale et scripturale. Bien au-delà de la célèbre « relation entre un but littéraire et un but purement scientifique », annoncée dans les Tableaux de la Nature, nous assistons, dans les journaux de route, à la création d'une œuvre dans toutes ses dimensions.
Le Latium et l’Hellade. Wilhelm von Humboldt et l’« Antiquité classique », par Ernst Osterkamp
La conférence a pour objet le contenu politique des écrits de Wilhelm von Humboldt concernant l’histoire antique. Après la défaite de la Prusse en 1806, son intérêt se déplace de la période de l’apogée d’Athènes au Ve siècle à la période de Démosthène, celle-ci lui permettant de trouver un reflet de la causa victa allemande dans la causa victa grecque. Le fragment qui nous a été transmis de son Histoire du déclin et de la chute des cités-États grecques montre clairement à quel point Humboldt était conscient de souligner le parallélisme entre son époque et celle de Démosthène. La construction humboldtienne d’une Antiquité bipolaire dans Le Latium et l’Hellade se prolonge dans la construction d’une modernité bipolaire où se reflète le conflit actuel entre l’Allemagne et la France.
Alexandre von Humboldt et François Arago, vies parallèles, l’actualité d’un dialogue, par Yves Bréchet
Dans la mouvance de la société d’Arcueil, Alexandre von Humboldt et François Arago ont noué une amitié profonde qui transparait dans la préface que Humboldt donne aux mémoires de son ami à la fin de sa vie. Cette amitié est profondément enracinée dans une vision commune de la science que révèlent leurs vies parallèles : tous les deux ont exploré le globe dans des aventures picaresques, tous deux ont étudié les lois de la physique aussi bien que les éléments de l’univers, tous deux ont été proches du pouvoir et ont tenté de l’influencer en faveur de la science, et tous deux étaient des vulgarisateurs scientifiques de talent prodigieux et se sont attachés à offrir la science au public. Tous deux furent de grands savants, sans atteindre les sommets du génie de Laplace ou de Gauss. Leur œuvre demeure comme une contribution au progrès scientifique, sans avoir révolutionné la science. Mais leurs aventures dans de grandes expéditions, leurs rôles comme organisateurs de la science dans leurs pays, et leur volonté de donner au grand public accès aux découvertes de la science, les rendent étonnamment modernes. Ces points communs font de Alexandre von Humboldt et de François Arago un cas exemplaire de collaboration scientifique étroite et parfaitement intégrée dans la société de leur temps. Cette image de la science façonne encore aujourd’hui l’idéal auquel la communauté scientifique aspire. En ce sens, les vies parallèles de Humboldt et Arago, et les idéaux qu’iÒls ont incarnés, demeurent source d’inspiration pour le présent.
Alexander von Humboldt, auteur et savant français. Écriture et réception critique en France de son œuvre en langue française, par Hans-Jürgen Lusebrink
Cette contribution vise à analyser l’œuvre d’Alexander von Humboldt publiée en langue française et son rôle dans le champ scientifique français de la première moitié du XIXe siècle sous un triple angle. D’abord à travers un inventaire critique de ses écrits publiés en langue française et de ses modes de diffusion et d’édition. Puis, à travers une étude philologique des particularités du style humboldtien en langue française, en ayant recours aussi à une étude comparative avec les versions allemandes. Enfin, à travers une analyse de la réception des écrits français de Humboldt en France et du statut qui lui a été accordé dans la critique scientifique et, plus largement, intellectuelle et savante en France.
Deux frères, deux musées, par Bénédicte Savoy
Les musées de Berlin doivent leur existence, leur profil et leur succès aux frères Humboldt. Wilhelm a largement contribué à la création du premier musée public de la capitale prussienne, l’Altes Museum, inauguré en 1830. Alexandre à la mise en place et à la configuration du Neues Museum, progressivement ouvert au public au milieu des années 1850, qui faisait se côtoyer notamment moulages antiques, objets ethnographiques et collections égyptologiques. L’intervention soulève la question du rapport intime entre bildung, savoir et musées dans le parcours des frères Humboldt.
Alexander von Humboldt et l'histoire de l'art – Le récit historique sur la peinture dans le Kosmos, par David Blankenstein
Le chapitre de la deuxième partie du Kosmos d’Alexander von Humboldt consacré à l’ « influence de la peinture de paysage sur l’étude de la nature » est un remarquable morceau d’histoire de l’art. Se nourrissant de ses propres réflexions historiques et esthétiques ainsi que de ses rencontres artistiques tout en ayant recours aux avis de véritables connaisseurs et historiens de l’art, Humboldt compose un texte qui soulève de multiples questions : sur les travaux préliminaires, les réseaux artistiques et scientifiques de Humboldt ainsi que sur l’effet de ce texte sur l’histoire de l’art.
Les frères Humboldt et les Juifs de Berlin, par Céline Trautmann-Waller
L’intervention examinera pour commencer le rôle des milieux juifs berlinois dans la jeunesse des frères Humboldt, plus particulièrement les relations des deux frères avec la famille Mendelssohn et la participation de Wilhelm von Humboldt au Tugendbund de Henriette Herz. Elle analysera ensuite les principaux aspects de ce qu’on peut envisager comme une communauté d’intérêts entre les frères Humboldt et les Juifs de Berlin, avec d’un côté l’engagement de Wilhelm von Humboldt pour l’émancipation des Juifs et son projet de loi de 1809, développé en parallèle au projet de l’université de Berlin, de l’autre le soutien à la fois scientifique, symbolique et financier qu’Alexander von Humboldt trouva auprès des Juifs de Berlin pour ses projets personnels mais aussi pour créer une culture scientifique dans la capitale prussienne et en faire un centre de la vie scientifique européenne comme il l’entendait. Pour finir le rôle central des Juifs de Berlin dans la monumentalisation des frères Humboldt permettra de s’interroger sur la portée politique et sociale de cette alliance pour la construction du Berlin scientifique.
Traductions du Kosmosd’Alexander von Humboldt (français, anglais, néerlandais), par Sandrine Maufroy
Dans sa dernière grande œuvre, Cosmos. Essai d’une description physique du monde, Alexander von Humboldt se proposait d’embrasser l’ensemble des connaissances de son temps sur « le monde physique tout entier, tout ce que nous savons aujourd’hui des phénomènes du ciel et de la terre, depuis les nébuleuses jusqu’à la géographie des mousses sur les roches granitiques » (lettre à K.A. Varnhagen von Ense, octobre 1834, traduction de Saint-René Taillandier). Cet ouvrage monumental connut immédiatement un succès foudroyant en Allemagne : si l’on en croit l’éditeur du livre, Johann Georg Cotta, les lecteurs s’arrachèrent littéralement le deuxième volume au moment de sa parution. Un accueil similaire lui fut réservé dans le reste de l’Europe. En 1851, il était déjà traduit dans dix langues différentes. L’histoire mouvementée de ces traductions met en lumière la complexité des relations entre auteur, traducteurs et éditeurs et leurs efforts communs pour offrir aux spécialistes et à un large public européen un ouvrage dont la qualité littéraire ne le cède en rien à la précision scientifique.
Alexander von Humboldt et les langues, par Jürgen Trabant
La conférence s’appuiera sur trois éléments principaux. Tout d’abord, le voyage d'Alexandre de Humboldt en Amérique du Sud, qui est un événement absolument crucial pour l'histoire de la linguistique : il fournit les matériaux pour la fondation des deux paradigmes de la linguistique moderne, le paradigme historico comparatif et le paradigme anthropo comparatif. Ensuite, dans un dialogue continuel avec son frère Wilhelm, Alexandre de Humboldt contribue lui-même activement à la discussion sur la relation entre langues et pensée et sur la classification des langues. On voit émerger le rôle central des langues amérindiennes. Enfin, en tant qu'antiraciste explicite et convaincu, Alexandre de Humboldt discute la relation entre le biologique et le culturel (intellectuel), entre Stamm et langue.
Wilhelm von Humboldt et la mondialisation. Universalisme et « Monotonisierung », par Markus Messling
La philosophie du langage de Wilhelm von Humboldt a été largement analysée à partir de ses ressources philosophiques et anthropologiques, notamment en relation avec le sensualisme français et la tradition allemande de Leibniz à Kant. L’enjeux de mes considérations sera celui de comprendre l’anthropologie linguistique du tard Wilhelm von Humboldt, c’est à dire, son œuvre des années de Tegel (1820-1835), à partir d’une réflexion de la civilisation mondialisée. Ceci pourrait éclaircir les différences entre les projets également idéalistes de Humboldt et de l’histoire universelle de Hegel, qu’on arrive à homogénéiser trop facilement si on ne tient pas compte des prises de position vis à vis les effets de la modernité européenne.
Humboldt, le détour basque, par Denis Thouard
On considère souvent que c’est l‘expérience fortuite de la rencontre de la langue basque en 1799 1800 qui ouvrit à Wilhelm von Humboldt la perspective de la diversité radicale des langues. L’expérience basque, avec la fascination qu’elle exerce sur lui, fait l’effet d’une soudaine sortie hors des coordonnées parfaitement classiques de sa pensée. On s’attachera à évaluer la part de cette expérience pour la formulation du projet humboldtien d’une étude comparée des langues, le rôle des attendus classicistes dans l’appréhension de cette réalité nouvelle (anthropologique, culturelle et linguistique), ainsi que les implications épistémologiques que Humboldt en tira.
La Grèce d'Alexandre de Humboldt, par Christian Helmreich
Malgré ses nombreux voyages, Alexandre de Humboldt ne s’est jamais rendu en Grèce. La Grèce ancienne joue pourtant un rôle important dans l’ensemble de son œuvre. Alexandre est d’abord un lecteur assidu des naturalistes et des géographes grecs. Mais la Grèce lui fournit surtout un modèle culturel et politique ; elle est pour lui à la fois le point d’origine de la civilisation européenne (et notamment de sa force de projection au-delà des limites du continent européen), un idéal auquel il convient de tendre et le lieu de projection mythologique qui lui permet de comprendre en particulier la singularité américaine. La présente contribution entend interroger les caractéristiques, la force et les limites de ce qu’il faut bien appeler le néoclassicisme d’Alexandre de Humboldt.
Le Journal parisien de Wilhelm von Humboldt (1797-1799) ou la mise à l’épreuve de son anthropologie comparée, par Elisabeth Beyer
Le journal que Wilhelm von Humboldt a tenu lors de son séjour à Paris sous le Directoire (entre décembre 1797 et août 1799) n´est ni un simple objet littéraire ni l´expression d´une convention sociale : conçu comme un « répertoire de matériaux », il acquiert une valeur scientifique, à la fois prolongement et mise à l´épreuve de l´écrit programmatique qui le précède, son projet d´anthropologie comparée. Le Journal parisien marque ainsi une étape charnière dans le cheminement intellectuel de son auteur et, plus largement, dans l´évolution des sciences humaines.
Les frères Humboldt et l’idée d’Université, par Michel Espagne
Wilhelm von Humboldt a été étudiant dans la principale université de son temps, l’Université de Göttingen, avant de contribuer largement à la fondation de l’Université de Berlin. Alexander von Humboldt a suivi l’enseignement d’une des plus originales institutions de la fin du XVIIIe siècle, l’Académie des mines de Freiberg, avant de mettre en place un système de collaboration entre savants qui semble anticiper sur les modèles de recherche collective. La monumentale histoire de l’Université Humboldt qui vient de paraître en six volumes fait figure d’histoire de l’institution universitaire moderne en Allemagne alors que la fondation Humboldt a l’ambition de constituer un réseau mondial des chercheurs. L’exposé sera consacré à une interrogation sur la genèse et la pertinence de l’idée humboldtienne d’Université d’un point de vue européen et plus particulièrement français.
Mesures et collections : un laboratoire en marche. L'empirisme raisonné du voyage en Amérique équinoxiale d'Alexandre de Humboldt et d'Aimé Bonpland, 1799-1804, par Jean-Marc Drouin et Thierry Lalande
Au cours de leur voyage en Amérique (1799-1804), Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland, multiplient mesures physiques, géodésiques, collectes naturalistes et analyses anthropologiques. Ces innombrables observations impliquent le maniement des instruments scientifiques, la collecte des spécimens et l’établissement de statistiques. Elles s’inscrivent dans une approche globale de la nature et de l’influence qu’elle exerce sur l’homme. En faisant du terrain un laboratoire, et en l’abordant avec un outillage matériel et conceptuel remarquablement à jour, Alexandre de Humboldt met en pratique l’empirisme raisonné qui définit sa démarche intellectuelle.
Alexandre de Humboldt et les lois de la nature – Le naturaliste allemande et son modèle français, par Eberhard Knobloch
Le cosmos humboltien est un cosmos exactement pour cette raison qu’il est mis en ordre par des lois. Alexandre de Humboldt se proposait comme objectif de vie de découvrir cet ordre durable. Car les lois de la nature et du monde sont éternelles. Elles garantissent l’éternité du monde. Pour déduire une loi empirique d’un ensemble de données il faut généraliser les valeurs observées ou calculées. La généralisation permet de lier les phénomènes les uns aux autres. Laplace, avec son Exposition du système du monde et sa Mécanique céleste et la force étendue d’explication de la loi de gravitation, était le modèle et le héros des fins scientifiques de Humboldt. L’un et l’autre mettaient continuellement en évidence l’importance de la méthode des valeurs moyennes.
Biographies
Michel Espagne
Michel Espagne est germaniste, Directeur de Recherche au CNRS, responsable d’une équipe de recherche à l’École normale supérieure et du labex TransferS, titulaire du prix Humboldt-Gay-Lussac 2011. Ses travaux portent sur l’histoire intellectuelle allemande en particulier au XIXe siècle, sur les transferts culturels impliquant le monde germanique et sur l’histoire transnationale des disciplines de sciences humaines.
Eberhard Knobloch
Eberhard Knobloch est Professeur d’université d’histoire des sciences et de la technique à la Technische Universität Berlin et Professeur d’académie à la Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften (l’ancienne Preussische Akademie der Wissenschaften) où il dirige les recherches concernant Alexander von Humboldt. Il fut, entre autres, p-Professeur invité à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, à l’Ecole Normale Supérieure, à l’Académie des Sciences en Russie, à l’Académie des Sciences en Chine. Il est, entre autres, ancien président de l’Académie Internationale d’Histoire des Sciences, Paris, ancien président de la Société Européenne d’Histoire des Sciences, membre de la Deutsche Akademie der Naturforscher Leopoldina, de la Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, de la Sächsische Akademie der Wissenschaften, Professeur honoraire de l’Académie Chinoise des Sciences.
Marc Fumaroli
En 1986, Marc Fumaroli a été élu professeur au Collège de France, sur présentation du poète Yves Bonnefoy et de l’historien Jean Delumeau, dans une chaire intitulée Rhétorique et société en Europe (XVIe-XVIIe siècles). L’Académie française l’a élu le 2 mars 1995, dans son 6e fauteuil où il succédait à Eugène Ionesco et en 1998 à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres au fauteuil laissé par Georges Duby. Il donne régulièrement des articles à des quotidiens et des hebdomadaires français et étrangers. Il a reçu en 1982 le prix Monseigneur Marcel de l’Académie française, en 1992 le prix de la Critique de cette même académie, le prix Balzan en septembre 2001, le prix Lafue en 2002 et le prix du Mémorial et le prix Combourg en 2004. Marc Fumaroli a fondé et présidé l’Institut européen d’histoire de la République des lettres (Respublica Literaria). Les travaux de l’Institut ont été pérennisés et poursuivis par la création en 2009, d’une unité de recherche du CNRS, La République des Lettres.
Ottmar Ette
Ottmar ETTE, né en Forêt-Noire, en 1956, est Professeur à l'université de Potsdam, Chaire de littératures romanes (venia legendi : littératures romanes et littératures comparées). En 1987 il obtient le Prix « Heinz-Maier-Leibnitz » pour l'édition critique en langue allemande de la Relation historique du Voyage aux régions équinoxiales du nouveau continent d'Alexandre de Humboldt. Il est co fondateur de trois Écoles doctorales (DFG-Graduiertenkolleg « lebensformen + lebenswissen », DFG Graduiertenkolleg « Zwischen Räumen » et DFG-Graduiertenkollegs « Sichtbarkeit und Sichtbarmachung ») et du ForLaBB (Forschungsverbund Lateinamerika Berlin-Brandenburg). Ottmar Ette est membre de L'Academia Europaea et Chevalier dans l'Ordre des Palmes Académiques (République Française). Depuis novembre 2013, il est membre de l’Académie des Sciences de Berlin-Brandebourg.
Ernst Osterkamp
Ernst Osterkamp est né en 1950 à Tecklenburg. Ses études de germanistique, de sciences sociales et de philosophie à Münster l’ont conduit au doctorat en 1977, puis en 1988 à une habilitation en littérature allemande moderne. Depuis 1992, il est Professeur de littérature allemande à l’Université Humboldt de Berlin. En 1999-2000 il est Professeur invité au Getty Research Institute, Los Angeles, en 2003-2004 pensionnaire de la fondation Carl Friedrich von Siemens de Munich et en 2010 Professeur invité à la fondation Aby-Warburg, Hamburg. Il est membre ordinaire de l’Académie des sciences et de la littérature de Mayence, de l’Académie des sciences de Berlin-Brandebourg et de l’Académie allemande de langue et de littérature. Ses domaines de recherche sont la littérature allemande des premières Lumières, de la période classique et de la modernité ainsi que l’interaction entre les arts (poésie et arts plastiques, opéra).
Yves Bréchet
Né en 1961, Yves Bréchet est ingénieur de l’École polytechnique et docteur en physique des matériaux. Professeur en science des matériaux à Grenoble-INP, membre senior de l’IUF, Professeur associé à McMaster (Canada) et Jiaotong (Chine), il est membre de l’Académie des Sciences. Ses travaux portent sur les transformations microstructurales dans les métaux et alliages, sur les relations microstructures / proprietés et sur les méthodes de choix des matériaux.Ò Il est l’auteur de deux ouvrages, éditeur de 4 ouvrages collectifs et auteur ou co-auteur de plus de 500 articles. Consultant scientifique dans le monde industriel, il a été membre de la commission nationale pour les déchets nucléaires. Il a occupé en 2013 la chaire Innovation technologique au Collège de France. Depuis septembre 2012 il est Haut Commissaire à l’énergie atomique.
Hans-Jürgen Lüsebrink
Hans-Jürgen Lüsebrink est depuis 1993 Professeur à l’Université de Saarbrücken (Allemagne), chaire d’Études Culturelles Romanes et de Communication Interculturelle. Il a deux doctorats en philologie romane (Bayreuth, RFA, 1981) et en histoire (EHESS, Paris, 1984) et a obtenu le Prix Diefenbaker du Conseil des Arts du Canada 2001. Il est co–directeur de l’École Doctorale Internationale Diversity. Negotiating Difference in transcultural Spaces des universités de Montréal, Trier et Saarbrücken. Il a été Professeur invité e.a. au Sénégal, au Burkina Faso, au Cameroun, en France (EHESS Paris, ENS Paris, EPHE, Limoges, Le Mans, Lyon), au Canada (Montréal, Québec, Moncton) et aux États-Unis (Northwestern University, UCLA). Ses domaines de recherche portent sur les transferts culturels (France-Allemagne, Europe – monde non européen), les littératures et cultures francophones (Afrique subsaharienne, Québec) et la théorie de la communication interculturelle.
Bénédicte Savoy
Bénédicte Savoy, ancienne élève de l’École normale supérieure (Fontenay) et agrégée d’allemand, enseigne l’histoire de l’art à la Technische Universität de Berlin. Elle est l’auteur de nombreux travaux consacrés à l’histoire des spoliations artistiques entre France et Allemagne, à la naissance des musées d’art en Europe et à la mise en place transnationale, aux XVIIIe et XIXe siècles, de disciplines universitaires telles l’archéologie et l’histoire de l’art.
David Blankenstein
David Blankenstein a étudié l’histoire de l’art à Berlin et la muséologie à Montréal. Il a enseigné à la Technische Universität Berlin et a publié de multiples articles sur l’histoire des musées et les transferts artistiques entre la France et l’Allemagne au XIXe siècle. Il prépare, en cotutelle entre les universités de Berlin et de Paris 3, une thèse sur les interventions d’Alexander von Humboldt dans le domaine de l’art.
Céline Trautmann-Waller
Céline Trautmann-Waller a fait ses études à l’École normale supérieure. Agrégée d’allemand, elle a soutenu en 1995 une thèse en études germaniques, puis a été Maître de Conférences aux universités de Rennes 2 et Paris 8. Depuis 2005 elle est Professeur en études germaniques à l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 et y dirige depuis 2006 le CEREG (Centre d’études et de recherches sur l’espace germanophone). Elle est actuellement à Vienne avec une bourse de recherche du centre IFK. Ses principaux domaines de recherche sont l’histoire de la philologie et de l’anthropologie allemandes ; l’histoire intellectuelle des juifs allemands ; l’histoire des études orientales ; l’esthétique formaliste en Europe centrale et la genèse transnationale du structuralisme.
Sandrine Maufroy
Sandrine Maufroy est Maître de Conférences à l’Université Paris-Sorbonne. Ancienne élève de l’École normale supérieure, docteur en études germaniques, elle a également une formation d’helléniste. Ses travaux portent principalement sur les transferts culturels et l’histoire de la philologie en Europe (France, Allemagne, Grèce, Pays-Bas). Elle a publié sa thèse de doctorat sous le titre Le philhellénisme franco-allemand (1815 à 1848) et consacre actuellement une partie de ses recherches à l’œuvre de Wilhelm et d’Alexander von Humboldt.
Jürgen Trabant
Jürgen Trabant est Professeur émérite de linguistique romane à la Freie Universität Berlin. De 2008 à 2013, il a tenu la chaire de plurilinguisme européen à la Jacobs University Bremen. Professeur invité de l’Université de Standford, de l’Université de Californie Davis, de l’EHESS Paris , de l’Université de Lieptzig et de l’Université de Limoges, il est depuis 2003 le recteur du Studienkollegs zu Berlin. En 1998, il a été nommé Officier de l'Ordre National du Mérite et en 2004 Chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres. Ces distinctions françaises ont été suivies en 2011 par le Commendatore nell'Ordine al Merito della Repubblica italiana. Depuis 2012, il est Membre Extraordinaire de la Società Nazionale di Scienze, Lettere e Arti (Accademia di Scienze e Morali Politiche) à Naples.
Markus Messling
Markus Messling est Assistant Professor de littératures romanes à l’Université de Postdam, et responsable de l’équipe Philologie et Racisme au XIXe siècle (Deutsche Forschungsgemeinschaft). Son mémoire de doctorat, Pariser Orientlektüren. Zu Wilhelm von Humboldts Theorie der Schrift (2008) a été récompensé par le Prix Tiburtius des universités de Berlin. Il a été Professeur invité de l’EHESS à Paris en 2011 et Visiting Fellow de la School of Advanced Study à l’Université de Londres au printemps 2014. Depuis 2011, il est co responsable (avec F. Hofmann) du projet de recherche international « Transmed ! Pensée méditerranéenne et conscience européenne » en coopération avec le Collège International de Philosophie Paris. Membre du comité de « Zukunftsphilologie » au Forum Transregionale Studien Berlin, il est également co éditeur de la nouvelle revue Philological Encounters.
Denis Thouard
Denis Thouard est né à Paris en 1965. Directeur de Recherche au CNRS, de 2008 à 2011 au Centre Marc Bloch de berlin, il a rejoint le Centre Georg Simmel (CNRS-EHESS) de Paris. Ses principaux domaines d’études sont les herméneutiques et la philosophie des sciences sociales. Fréquents séjours en Allemagne (FEST de Heidelberg, LMU de Munich, Wissenschaftskolleg de Berlin). En 2007, il reçoit le Prix Blanché de l’Académie des sciences morales et politiques pour Le Partage des Idées (CNRS éditions). Depuis 2013, il est membre du comité éditorial de la revue franco-allemande en ligne Trivium.
Christian Helmreich
Christian Helmreich est Maître de Conférences, Directeur du Département d’études germaniques de l’Université de Paris 8. Ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé d’allemand, docteur en études germaniques, boursier de la Alexander-von-Humboldt-Stiftung (séjour à la Technische Universität Berlin 2007-2009), puis Maître de Conférences invité à l’Université de Göttingen (2009-2010). Il est l’auteur de plusieurs publications sur le romancier Jean Paul, sur Herder, sur Goethe ainsi que sur Alexander von Humboldt. Il réalise actuellement un travail d’habilitation en cours sur Alexander von Humboldt.
Elisabeth Beyer
Elisabeth Beyer dirige depuis 2012 le Bureau du livre du Service culturel de l´Ambassade de France en Allemagne, après avoir travaillé pour les éditions Actes Sud pendant plus de dix ans. Elle a fait son mémoire de DEA avec Robert Valentin (Paris IV) sur l´anthropologie philosophique de Wilhelm von Humboldt et a traduit en français son Journal parisien – traduction pour laquelle elle a été bénéficiaire de la Bourse de l'Académie française.
Jean-Marc Drouin
Jean-Marc Drouin est Professeur (retraité) du Muséum national d’histoire naturelle en philosophie et histoire des sciences et ancien Directeur adjoint du Centre Alexandre Koyré. Auteur de L’écologie et son histoire (1993), L’Herbier des philosophes (2008), et Philosophie de l’Insecte (sous presse), il est, en 2003, commissaire avec Thierry Lalande, de l’exposition La boussole et l’orchidée (CNAM et MNHN).
Thierry Lalande
Thierry Lalande est Professeur agrégé chargé des collections anciennes d'instruments scientifiques et de mécanique au Musée des Arts et métiers-Conservatoire national des arts et métiers. Il a été commissaire en 2003, avec Jean-Marc Drouin, de l'exposition La boussole et l'orchidée (CNAM et MNHN), et en 2010, avec Guy Martinière, de l'exposition De l'orchidée à la yerba maté au Muséum d'histoire naturelle de La Rochelle.