L’œuvre des frères Goncourt, un système de valeurs ?
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Sous le haut patronage de l'Académie Goncourt
événement organisé par l'équipe Goncourt et le Centre de recherches
sur les Poétiques du XIXe siècle de l'Université de la Sorbonne nouvelle
Colloque du Bicentenaire organisé par Jean-Louis Cabanès, Pierre-Jean Dufief,
Béatrice Laville, Vérane Partensky et Éléonore Reverzy
Les frères Goncourt furent des témoins majeurs de la seconde moitié du XIXe siècle dont ils ont commenté jour après jour, dans leur Journal, l’actualité et ses soubresauts, proposant un panorama exceptionnel et détaillé de la vie artistique, littéraire, politique et mondaine de leur temps. Romanciers de talent qui participèrent activement au triomphe du réalisme littéraire, auteurs de théâtre contestés, historiens, critiques d’art, collectionneurs, fondateurs d’un prix aujourd’hui encore prestigieux, qui a contribué à donner au genre romanesque ses lettres de noblesse, les Goncourt apparaissent, 200 ans après la naissance d’Edmond, comme des écrivains dont le rôle et l’influence appellent une réflexion approfondie dont la récente biographie de J.-L. Cabanès et P.-J. Dufief a montré la nécessité. « Ils ont été considérables », assurait déjà Thibaudet en 1936, « par leur influence, dont toute la littérature française, depuis soixante ans, a été retournée et labourée » (Réflexions sur la littérature, Paris, Gallimard, 1938, p. 116).
À la croisée des genres et des courants artistiques (roman, théâtre, fantaisie, réalisme, histoire de l’art, histoire, critique, écriture diariste), ils occupent une position à la fois centrale et excentrique dans le champ littéraire, dont ils ont été des acteurs importants, mais aussi des juges et des critiques particulièrement attentifs à la question fondamentale de la valeur, dont ils auscultent avec minutie et inquiétude les transformations. Parce qu’ils relatent et jaugent leur temps, tour à tour en moralistes intempestifs et en écrivains modernes, mais aussi parce qu’ils déplacent sans cesse les perspectives, interrogeant les évolutions immédiates (la modernité, l’émergence de la bourgeoisie, l’industrialisation de la littérature, la dictature de la presse, le pouvoir de la mode, etc), comme les déplacements culturels (réévaluation du XVIIIe siècle, art japonais, normes classiques, systèmes politiques), les deux frères ont posé, à l’échelle d’un demi-siècle, la question de la définition et des critères de la valeur (esthétique, morale et sociale) au moment même où les liens qui unissaient traditionnellement l’esthétique et l’éthique sont bouleversés par l’émergence de la modernité, de l’art pour l’art, du capitalisme et de la démocratie. Leur Journal apparaît parfois comme un livre de comptes où ils créditent ou débitent leurs contemporains, soupesant les honnêtetés, la qualité de coeur, les vanités, les compromissions. Le goût du Beau seul, avec son corollaire l’admiration, leur semble étalonner les oeuvres et les hommes. Observateurs pénétrants, ils sont certains d’être des hommes de goût, jugeant les oeuvres d’art sans a priori. Leur nervosité, leur sensibilité, en conjonction avec leur connoisseurship, garantirait la pertinence de leurs jugements esthétiques. Les nerfs, comme vecteurs de la sensibilité, comme traits d’union entre l’âme et le corps, comme principes d’une réflexivité du sentir, induisent une sorte d’ambivalence des valeurs éthiques et esthétiques dont ils sont les vecteurs. La pitié, la compassion sont affaire de sensibilité, mais les Goncourt se réclament aussi d’une lucidité cruelle.
Leurs écrits définissent des axiologies qui réfèrent aux catégories esthétiques mais aussi aux valeurs morales que les fictions tout particulièrement déploient. Leurs romans retracent volontiers des parcours exemplaires qui laïcisent parfois des valeurs chrétiennes (le pardon, la charité) ou prennent la forme de calvaires dont le sens échappe mais qui permettent d’engager la critique des institutions religieuses et judiciaires notamment. La Fille Élisa met ainsi en cause des dispositifs de surveillance et de silence qui associent la religion et l’État. L’oeuvre romanesque et théâtrale renoue parfois avec le manichéisme du mélodrame et du feuilleton. Dans un univers sans transcendance, comment sortir de la satire dès lors qu’on aborde la question morale ?
Les frères Goncourt n’ont cessé de proclamer la valeur de leurs oeuvres, leur qualité d’hommes de lettres, leur avant-gardisme qui ferait d’eux des précurseurs. Ils entendent partout affirmer leur qualité, ou si l’on préfère, en termes sociologiques, leur « distinction ». Ce mot définit leur positionnement social, politique, esthétique, stylistique quelle que soit la « vertu » démocratique de romans centrés aussi bien sur une servante hystérique qui, par ses nerfs, est en partie leur répondant que sur une jeune fille de la haute société impériale, qui, par son culte du chiffon, leur ressemble un peu. L’écriture artiste signe en ces temps de journalisme et d’oeuvres anonymes (une page de Maupassant selon Edmond pourrait être signée par n’importe qui : elle ne porte aucune marque), leur aristocratisme, comme un code de l’honneur dans les lettres, leur différence. Il existe pour eux une éthique de la création qui fait sens par opposition aux facilités des bohèmes, aux ficelles de la littérature industrielle, aux procédés de la tradition académique ; cette morale, parfois baptisée « idéal », tend à faire accroire qu’ils sont étrangers aux circuits économiques. La valeur (qualitative) de l’art ne se mesurerait pas à l’aune de l’argent gagné par un écrivain. L’échec, en revanche, peut avoir une valeur distinctive et devenir la signature d’une qualité méconnue du grand public.
Dans ce contexte, comment les valeurs éthiques et esthétiques sont-elles atteintes par des formes nouvelles de distinction ? Comment la littérature est-elle à la fois un miroir et un agent de la constitution, de la transmission et des révolutions de valeurs ? En quoi écrire suppose-t-il, par-delà la diversité des convictions et des postures morales, une éthique de la littérature ? L’oeuvre des Goncourt, par son ampleur, par la diversité de ses points de vue, par sa pluridisciplinarité, par les valeurs morales qu’elle persiste à représenter, par le témoignage exceptionnel que constitue le Journal, offre un point de vue privilégié sur une question longtemps refoulée par les études critiques poétiques ou formalistes, mais qui se pose, dans le contexte actuel, avec acuité et invite à une réflexion globale et nourrie sur les Goncourt, sur leur oeuvre, leur place dans le champ littéraire et leur héritage.
Programme
27 juin 2022
9h30 - Accueil des participants
9h45-10h :
- Introduction d'Eléonore Reverzy, directrice du CRP19 et responsable de l'équipe Goncourt (ITEM/CNRS)
10h-13h
Séance 1 : Évaluations
Présidence de séance : Robert Kopp
-
10h-10h25 - Bernard Vouilloux (Sorbonne Université) : Le jugement des Goncourt : une éthique et une esthétique de la valeur d’usage
-
10h25-10h50 - Alexandre Péraud (Université Bordeaux Montaigne) : Les ambivalences de la valorisation (économique) chez Les Goncourt
10h50 - Discussion
11h10 - 11h25 - Pause
- 11h25-11h50 - Kosei Ogura (Université Keio, Tokyo) : Edmond de Goncourt et l’art japonais
- 11h50-12h15 - Stéphane Guégan (Musée d'Orsay) : Rocaille : Baudelaire et Manet lecteurs des Goncourt
- 12h15-12h40 - Nao Takaï (Japan's Women University, Tokyo) : Les vêtements masculins chez les frères Goncourt : portée sociale et valeur esthétique
12h40-13h - Discussion
13h-14h - Déjeuner
14h-16h35
Séance 2 : Éthique et mode de vie
Présidence de séance : Paolo Tortonese
- 14h-14h25 - Sébastien Roldan (Université de Winnipeg) : Valeurs du suicide chez les Goncourt
- 14h25-14h50 - Stéphane Gougelmann (Université de Saint Etienne) : Les frères Goncourt sont-ils fraternels ?
14h50 - Discussion
15h10-15h25 - Pause
- 15h25-15h50 - Émilie Sermadiras (Université de Bari) : Plaidoyer pour une héroïne sans qualité. "La Fille Élisa" ou "l’art de parler au cœur et à l’émotion"
- 15h50-16h15 - Jean-Didier Wagneur : "Salto mortale" ou la périlleuse vision de l’homme de lettres chez les Goncourt
16h15 - Discussion
16h35 - Fin de la première journée
28 juin 2022
10h15 - Accueil et inscriptions des participants
10h25-13h
Séance 3 : Valeurs du temps
Présidence de séance : Stéphane Guégan
- 10h25-10h50 - Marie-Astrid Charlier (Université de Montpellier III) : Valeurs de l’échec : (auto)portrait des Goncourt en auteurs sifflés
- 10h50 - 11h15 Véronique Samson (Université Mc Gill, Montréal) : Valeur de l’inactualité
11h15 - Discussion
11h35-11h50 - Pause
- 11h50-12h15 - Robert Kopp (Université de Bâle) : "La Femme au XVIIIe siècle" : histoire ou fantasme ?
- 12h15-12h40 -Chantal Pierre (Université de Nantes) : Les Goncourt ou l'impossible reconnaissance
12h40 - Discussion
13h-14h - Pause déjeuner
14h-16h
Séance 4 : Valeurs de la communauté
Présidence de séance : Béatrice Laville
- 14h-14h25 - Peter Vantine (Saint Michael's College, Vermont) : La Révolution dans la famille et la dissolution des liens du sang chez les Goncourt
- 14h25-14h50 - Pierre Dufief (Université Paris Ouest-Nanterre) : En haine de la philanthropie
14h50 - Discussion
- 15h10-15h35 - Stéphanie Champeau (Université de Rouen) : Entre regrets et sarcasmes, les Goncourt et la religion
- 15h35-16h - Zadig Gama (Université Fédérale de Rio de Janeiro) : Épigones d’outre-mer : les valeurs goncourtiennes dans la littérature brésilienne
16h - Discussion
16h20-16h35 - Pause
16h35-18h
Séance 5 : Écritures de la valeur
Présidence de séance : Eléonore Réverzy
- 16h35-17h - Federica D'Ascenzo (Université de Chieti-Pescara) : "Idées et sensations" ou le système aphoristique des valeurs goncourtiennes
- 17h-17h25 - Véronique Cnockaert (UQÀM) : La jouissance masquée ou « la peine du style »
17h25 - Discussion
17h45 - Conclusions
18h - Clôture du colloque
Résumés de communication
Le jugement des Goncourt : une éthique et une esthétique de la valeur d’usage
par Bernard Vouilloux
De bons esprits mettent régulièrement l’accent sur les « erreurs » de jugement dont les Goncourt se seraient rendus coupables : ces apôtres autoproclamés du goût, si prompts à dénoncer la fausse monnaie mise en circulation par les institutions, la presse, les écrivains et les artistes pressés d’arriver, ne sont-ils pas passés à côté de ceux que nous tenons pour les plus novateurs de leur temps ? Si leurs choix peuvent nous paraître discutables, du moins sont-ils gagés sur une « forme de vie » qui, associant étroitement une écologie de l’art et une éthologie de l’artiste, valorise dans l’œuvre l’empreinte sensible d’un individu et d’une époque. Les œuvres qui comptent aux yeux des Goncourt sont en effet celles qui possèdent un haut potentiel indiciaire : contre la reproduction mécanique dont les peintres réalistes reprendraient le principe au daguerréotype, ils jouent la mise en forme du document, et cela aussi bien dans leurs romans que dans leurs études historiques ou leurs monographies d’artistes ; contre l’impressionnisme, le processus même de fabrication des « impressions » japonaises, dans les plis desquelles se logent des façons de penser et de sentir ; contre la littérature industrielle, celle qui est signée par un style, etc. Parce qu’elle est coextensive à un champ préalablement reconnu, la logique indiciaire favorise les redécouvertes et les reclassements, au risque de verser dans un élitisme antidémocratique et dans l’esthétisme.
Les ambivalences de la valorisation (économique) chez Les Goncourt
par Alexandre Péraud
La question des valeurs (esthétiques, morales…) occupe une place centrale dans le discours des Goncourt, valeurs qui, pour être « inestimables », sont régulièrement confrontées à la valeur monétaire ou marchande. Mais pour n’en pas rester à ce conflit stéréotypé (la prosaïque marchandise contre les biens de l’esprit, la raison bourgeoise contre la sensibilité…), peut-être faut-il déplacer notre regard vers la problématique latente de la valorisation économique. Dans les romans comme dans le Journal, on s’interroge en effet sans cesse sur ce qui fonde la valeur : celle des œuvres bien sûr, mais aussi des individus, et des femmes en particulier. En dramatisant le conflit entre ces différentes sources de la valeur que sont le travail, l’utilité ou le désir…, les Goncourt ne s’inscrivent pas seulement au cœur d’un débat essentiel pour la science économique de leur époque. Leurs récits mettent en texte la rupture moderne au terme de laquelle, comme le dira Simmel, « la valeur constitue en quelque sorte le pendant de l’être ».
Edmond de Goncourt et l’art japonais
par Koseï Ogura
On sait qu’Edmond de Goncourt s’est intéressé à l’art japonais tout au long de sa vie et qu’il a publié deux monographies : Outamaro en 1891 et Hokousaï en 1896. Ces deux ouvrages sont la réalisation d’une grande ambition qu’il avait manifestée le 25 mai 1888 dans son Journal : « je voudrais écrire sur l’art japonais un livre dans le genre de celui que j’ai écrit sur l’art du XVIIIe siècle, un livre moins documentaire, mais un livre encore plus poussé vers la description pénétrante et révélatrice des choses ». Pour mener à bien son projet, Edmond s’est fait aider par Hayashi Tadamasa. Brigitte Koyama-Richard, dans Japon rêvé, a bien montré ce qu’Edmond lui doit et l’histoire de leur collaboration. Dans ma communication, je vais m’interroger sur Edmond de Goncourt en tant que critique d’art en étudiant Outamaro et Hokousaï ainsi que La Maison d’un artiste pour essayer de mettre en relief les valeurs esthétiques qu’il a découvertes dans l’art du Japon, valeurs à la fois semblables à celles de l’art français au XVIIIe siècle et tout à fait originales par rapport à elles. Les deux monographies se présentent en apparence comme une suite de chapitres fragmentaires commentant les œuvres des deux peintres, suivis d’une liste détaillée. Mais on peut déceler dans les descriptions d’Edmond une expérimentation de l’écriture artiste dont on mesurera la portée par rapport à l’ensemble des œuvres des Goncourt.
Outamaro et Hokousaï ne sont pas illustrés, il est donc difficile pour le lecteur d’avoir une idée précise de la correspondance entre les descriptions d’Edmond et les œuvres commentées. Heureusement Outamaro et Hokousaï ont été traduits en japonais, respectivement en 2005 et en 2019, avec de riches illustrations pour Outamaro; la traductrice a identifié la plupart des œuvres d’art décrites par Edmond ! Ce travail permet de mieux saisir ce que l’écrivain a vu réellement et dans quelle mesure ses jugements esthétiques sont pertinents.
Rocaille : Baudelaire et Manet lecteurs des Goncourt
par Stéphane Guégan
La composante rocaille de la modernité baudelairienne a suscité une attention croissante depuis les travaux de Georges Blin. Il en va de même des multiples incursions de Manet dans l’art du premier XVIIIe siècle et dans la recréation du mundus muliebris propre à Watteau, Boucher ou Fragonard. Tous deux, le poète et le peintre, devenus amis en 1862, ont été des lecteurs des frères Goncourt. Cette année-là, Baudelaire, la plume en main, a proprement dévoré La femme au XVIIIe siècle et en a nourri sa réflexion sur les liens entre l’art moderne et les mœurs changeantes de la société civile. Moins de vingt ans plus tard, depuis Bellevue, site idoine, Manet se procure certains fascicules de L’art du XVIIIe siècle. Dans l’intervalle, qui a vu le style Louis XV refleurir partout et défier les ultimes résistances à son regain, le peintre n’a cessé de donner des gages à cette révision des valeurs esthétiques qui se double, pour lui, mais aussi pour Baudelaire et Mallarmé, de la promotion d’un Beau « à la Française ».
Les vêtements masculins chez les frères Goncourt : portée sociale et valeur esthétique
par Nao Takaï
Dans Le Journal, les remarques sur les vêtements masculins abondent : l’habit noir, la cravate blanche et le gilet de flanelle y sont souvent évoqués comme connotant la bourgeoisie. Les deux frères se posent aussi la question du dandysme. Proches d’écrivains comme Baudelaire, Huysmans entre autres, ils n’ont pas eux-mêmes choisi le dandysme. Nous nous pencherons sur les raisons de leur prise distance. Ces analyses permettront enfin de dégager la position unique des deux frères comme écrivains dont l’approche ouvre la voie à l’esthétique naturaliste et décadente, entre romantisme et symbolisme, qui s’enracine dans les principes qu’ils estiment et incarnent eux-mêmes.
Valeurs du suicide chez les Goncourt
par Sébastien Roldan
En 1857 les Goncourt notent dans le Journal une mode pour le moins curieuse : celle de ces mondaines qui, pour s’attirer les grâces de la bonne fortune, se rendent rue de la Vieille-Lanterne « touch[er] le barreau » de la grille d’égout « où s’était pendu Gérard de Nerval ». Se pose alors la question de la valeur du suicide à leur yeux : ici le rituel superstitieux semble à la fois constituer le pittoresque de ce qui a été saisi sur le vif et qui mérite d’être consigné, et prêter le flanc à quelque dédain rationaliste et misogyne. Mais peut-on généraliser cette observation ? Qu’est-ce que l’œuvre goncourtienne révèle du suicide ? Que représente la mort volontaire à leurs yeux ? Cette image est pérenne ou suit-elle une évolution à travers la carrière littéraire des deux frères ? Notre contribution a pour objectif de fournir quelques réponses à ces interrogations.
Les frères Goncourt sont-ils fraternels ?
par Stéphane Gougelmann
Chez les Goncourt, l’adelphie n’est pas une simple configuration familiale : elle est un mode d’existence et d’écriture, une façon d’être au monde et à la littérature. Mais être frères et s’en prévaloir signifie-t-il que la fraternité soit érigée en paradigme éthique voire en fondement politique ?
Mise à l’épreuve par le libéralisme prégnant qui favorise l’individualisme et l’esprit concurrentiel, la fraternité peut apparaître, dans leurs écrits, comme un principe illusoire. D’autres modèles de solidarité leur paraissent d’ailleurs socialement préférables, le sentiment d’égalité qui s’éprouve dans la fraternité étant peu compatible avec leurs préjugés aristocratiques et leur haine de la Révolution. Néanmoins, renonceraient-ils à toute fraternité au-delà d’eux-mêmes ? Une forme de confraternité existe sous le Grenier ou dans le projet de l’Académie. La critique artistique sert aussi à fraterniser avec les peintres qu’ils admirent. Quant à leur style, il instaure une connivence avec le lecteur, ce « frère », selon la formule de Baudelaire. In fine, la fraternité, dans le système de valeurs des Goncourt, est moins une vertu morale qu’une convergence de goût, une affinité élective entre âmes artistes.
Plaidoyer pour une héroïne sans qualité. "La Fille Élisa" ou "l’art de parler au cœur et à l’émotion"
par Émilie Sermadiras
Dans la préface de La Fille Élisa, Edmond de Goncourt présente son roman comme un « plaidoyer » ayant pour ambition de « parler au cœur et à l’émotion [des] législateurs » pour les inviter à porter un regard critique sur le système pénitentiaire en général, et la règle du silence continu en particulier. Cependant, cette finalité exemplaire est éminemment problématique. Le récit a en effet pour héroïne un personnage dénué de toute qualité morale, dont le crime échappe largement à l’analyse, et donc au jugement. Certes, cette neutralité axiologique s’explique par la volonté d’analyser le personnage sous un angle objectif, médical, conformément aux exigences de la poétique naturaliste. Mais il n’en reste pas moins que cela brouille la valeur exemplaire du cas romanesque. La question se pose alors de savoir comment le romancier tient la gageure de susciter chez le lecteur un sentiment de commisération pour les malheurs d’une héroïne « sans qualité » afin de faire de son parcours le support d’une réflexion sociale, politique et éthique
"Salto mortale" ou la périlleuse vision de l’homme de lettres chez les Goncourt
par Jean-Didier Wagneur
Jules et Edmond de Goncourt ont consacré deux romans à la bohème. En 1860, Charles Demailly s’en prend à la bohème médiatique et sept ans plus tard Manette Salomon porte un regard critique sur celle des arts. Publié en 1879, le roman Les Frères Zemganno semble paradoxal. Edmond donne pour cadre à son roman-tombeau pour Jules la bohème originelle des saltimbanques. Nous nous interrogerons sur la permanence de cette approche postromantique au contact des figures du clown fin de siècle dans la constante recherche des deux frères d’une définition de l’écrivain.
Valeurs de l’échec : (auto)portrait des Goncourt en auteurs sifflés
par Marie-Astrid Charlier
La passion des frères Goncourt pour le théâtre n’est plus à démontrer, tout comme les « fours » qu’ils ont subis, d’Henriette Maréchal à la Comédie-Française le 5 décembre 1865 à Germinie Lacerteux à l’Odéon en 1888 puis Charles Demailly au Gymnase le 19 décembre 1892. Que ce soit avec du théâtre de création (A bas le progrès !, 1893), d’adaptation ou des adaptations autorisées, les Goncourt ont tenté de s’imposer dans le paysage dramatique de la seconde moitié du XIXe siècle. Souvent refusées sur les grandes scènes parisiennes, leurs pièces ont trouvé refuge au Théâtre-Libre d’André Antoine, un des plus fameux « théâtres à côté » de la fin du siècle, où les « petits » naturalistes ont adapté Sœur Philomène (Vidal et Byl, 1887), Les Frères Zemganno (Alexis et Méténier, 1890) ou encore La Fille Elisa (Ajalbert, 1890). À partir des travaux pionniers d’Anne-Simone Dufief et de Jean-Pierre Sarrazac sur le tournant « naturalo-symboliste », ma communication propose d’étudier la posture d’auteurs sifflés que les Goncourt, puis Edmond seul, ont construite et jouée, notamment dans leur Journal et leur correspondance. Il s’agira de cerner les valeurs qu’ils attachent à leurs multiples échecs scéniques et de comprendre les fonctions du retournement de la contrainte imposée par le champ théâtral (pièces refusées et/ou sifflées) en valeur littéraire, artistique et dramatique.
Valeur de l’inactualité
par Véronique Samson
Les romans de Jules et Edmond de Goncourt sont peuplés d’être inactuels, qui ne coïncident pas tout à fait avec leur présent. Certains, comme Mlle de Varandeuil, naissent à la fiction dans ce décalage ; d’autres atteignent progressivement l’inactualité au fil de l’intrigue, pour ne plus exister que dans leur propre passé. Par l’étude de ces trajectoires intempestives, cette communication propose que le temps fait bel et bien partie des modes d’évaluation des frères Goncourt et, plus exactement, que l’inactualité est l’une des valeurs de cette œuvre pourtant attentive à la modernité
"La Femme au XVIIIe siècle" : histoire ou fantasme ?
par Robert Kopp
Pour les Goncourt, la femme du XVIIIe siècle est l’exact opposé de celle du XIXe. Au siècle français par excellence, à sa culture aristocratique portée par des femmes, ils opposent le siècle de la démocratie et de la vulgarité, incarné par la prostitution. En dépit d’une documentation souvent inédite, aussi abondante que sérieuse, leur ouvrage dépasse les limites de l’histoire pour devenir un élément de leur mythologie personnelle. Il participe ainsi à leur définition de la modernité, qui rejoint sur plus d’un point celle d’un de leurs premiers lecteurs, Baudelaire, qui comptait utiliser leur travail dans l’élargissement de son étude, Le Peintre de la vie moderne, consacrée à Constantin Guys.
Épigones d’outre-mer : les valeurs goncourtiennes dans la littérature brésilienne
par Zadig Gama
Tout au long de la deuxième moitié du XIXe siècle, l’œuvre d’Edmond et de Jules de Goncourt circule au Brésil en français et en portugais. Lors des dernières décennies du XIXe siècle et des premières décennies du XXe, les valeurs esthétiques de leurs ouvrages sont identifiées, appréciées, voire appropriées par une partie de la communauté lettrée brésilienne. Il s’agit de valeurs morales et esthétiques rattachées à la laïcité et à l’atténuation du romanesque ainsi que d’un style fait d’une écriture recherchée, fondée sur l’observation et sur des documents. La critique brésilienne en donne un aperçu et indique un réseau de jeunes écrivains épigones des Goncourt, qui opèrent des transferts de ces valeurs dans leurs romans : Lar (Foyer, 1888) de Pardal Mallet, Flor de sangue (Fleur de sang, 1897) de Valentim Magalhães, et O Simas (Le Simas, 1898) de Pápi Junior. Ou encore dans le conte “Confissão de uma noiva” (« Confessions d’une fiancée », 1914) d’Arthur Azevedo, où la lecture de Chérie éveille chez la protagoniste sa curiosité sur la nuit de noces. On évoquera aussi le pastiche des frères Goncourt chez quelques écrivains-journalistes, comme Escragnolle Dória dans le recueil de contes Dor (Douleur, 1903) et dans ses séries d’études sur des chanteurs et musiciens contemporains.
La Révolution dans la famille et la dissolution des liens du sang chez les Goncourt
par Peter Vantine
Cette intervention étudiera le rôle de la famille dans l’œuvre des frères Goncourt. Dès la publication de leur plaquette Les Révolutions dans les mœurs (1854), les auteurs déclarent la centralité de la famille dans leur système de valeurs et déplorent la dégradation des structures familiales, des mœurs traditionnels au sein de la famille, et du rôle de la famille dans la société du dix-neuvième siècle. Selon les Goncourt, la perte de respect pour la paternité — chez les enfants, les femmes ambitieuses et les pères eux-mêmes — et la rupture avec le passé par l’oubli de l’héritage familial participent au renversement des hiérarchies qui entraîne la déstabilisation de la société, voire le désordre social. J’examinerai les propos volontairement provocatrices et réactionnaires de La Révolution dans les mœurs, des observations sur la famille dans le Journal, et la manière dont les auteurs développent leurs idées sur la famille dans leur fiction.
En haine de la philanthropie
par Pierre Dufief
Les Goncourt sont des moralistes qui ont une vision très pessimiste de l’homme. Marqués par l’influence de Gavarni, ils dénoncent la croyance au progrès, à la bonté d’une humanité qu’ils peignent au noir dans leur Journal et dans leurs romans. Les Goncourt sont assurément des misanthropes, malgré leur besoin de sociabilité, bien plus que des philanthropes.
Ils ont critiqué le XVIIIe siècle des philanthropes, sa sensiblerie et ses dangereuses illusions qui ont amené les violences de la Révolution. Ils ont constamment affiché leur refus des idéaux humanitaires de 1848, dénonçant le rôle ravageur des grands mots (humanité, charité, fraternité) au nom desquels tant de crimes ont été commis ; ils ont rejeté les abstractions pour privilégier les cas concrets. Leur réalisme politique les a rendus critiques à l’égard des luttes en faveur des peuples opprimés (Pologne) et du christianisme romantique. La République, fondée, selon Edmond, sur le mensonge de « la fraternité universelle, n’a pas trouvé grâce à ses yeux.
Les philanthropes, loin de concourir au bonheur des hommes, ont accru leur souffra nce par un souci de rationalisation systématique. Le système pénitentiaire moderne, calqué sur le modèle américain et dénoncé dans La Fille Elisa, est bien plus inhumain que les anciens châtiments. Si l’Amérique et ses philanthropes sont critiqués, l’Italie et ses pratiques d’une charité de proximité, à l’ancienne, sont valorisées. Les Goncourt figent les vraies valeurs dans la période pré-révolutionnaire. N’est-il pas significatif qu’ils évoquent dans leur préface de Germinie Lacerteux le spectacle de ces misères que « les reines autrefois faisaient toucher de l’œil à leurs enfants dans les hospices » ?
Entre regrets et sarcasmes, les Goncourt et la religion
par Stéphanie Champeau
Du Journal aux romans, l’œuvre des frères Goncourt est traversée de réflexions autour de la religion. Si leur position personnelle à ce sujet (d’après, du moins, ce que l’on peut en percevoir) ne change guère au fil du temps -position qui est celle d’un agnosticisme (plus que d’un athéisme « dur », sorte de foi à rebours qu’ils rejettent) de bon aloi chez les artistes et « intelligences » d’élite auxquels ils se sentent appartenir et veulent être identifiés, beaucoup de passages du Journal, et surtout leur dernier roman écrit en commun, Madame Gervaisais, dont on pourrait dire (en reprenant une expression de Marc Fumaroli à propos des Mémoires d’Outre-Tombe à l’égard de René) qu’il est la « géniale amplification » de leur fascination, de leurs fantasmes et de leurs projections à l’égard de la religion (tout ensemble comme foi, comme fait de société, et comme source de culture et de civilisation), attestent qu’ils ne se sont pas cantonnés dans la confortable « indifférence en matière de religion » vitupérée en son temps par Lamennais. S’il est impossible de trouver chez eux la moindre foi en l’Incarnation, si leur approche de Jésus est, en gros, celle de Renan, les choses sont moins nettes en ce qui concerne la possibilité d’un Dieu créateur, et, surtout, en ce qui concerne l’évaluation des effets de la religion. Ici, l’esprit des Lumières, les souvenirs du roman noir, le mythe « jésuite » entrent en conflit avec l’héritage de Chateaubriand et de Lamennais développant l’apport culturel et civilisationnel inestimable du christianisme, source du beau moderne, de la mélancolie, de la sensibilité, de l’émotion… Tout cela forme un ensemble contrasté, pas toujours cohérent mais infiniment suggestif, qui dit beaucoup aussi sur leur temps et la place qu’y tint le fait religieux.
Les Goncourt ou l'impossible reconnaissance
par Chantal Pierre
Les Goncourt aiment-ils le peuple ? eux qui se sont illustrés dans la représentation de ses figures souffrantes et dévoyées (Germinie, Elisa) avant de tourner la page pour ne plus s’intéresser qu’à des figures plus distinguées, comme La Faustin ou Chérie. La question, un peu grossière, mérite d’être posée dans le cadre d’une confrontation entre valeurs chrétiennes et valeurs humanitaires, telles qu’elles s’énoncent entre 1848 et 1870. S’ils fustigent, dans leur Journal, les « bruyants aimeurs de peuple » de leur époque (Journal, décembre 1860), ils lui opposent « la grandeur simple » de la religion chrétienne qui porte secours au peuple souffrant. Si Baudelaire renvoie dos-à-dos dans « Assommons les pauvres » justice sociale et charité chrétienne, les frères semblent sauver la charité du désenchantement, faisant d’elle une valeur, autant éthique qu’esthétique, à travers laquelle il est possible d’aimer le peuple, non pas comme corps politique, mais corps souffrant.
"Idées et sensations" ou le système aphoristique des valeurs goncourtiennes
par Federica D'Ascenzo
Si les Goncourt pratiquèrent tous les genres, ils le firent dans l’optique de les renouveler, de les plier à exprimer leur vision du monde et de la modernité, mais surtout au nom d’une science des mœurs dont toute forme d’art devait selon eux être porteuse. Éthique et esthétique ont pour les deux frères partie liée, qu’il s’agisse du roman, devenu «Histoire morale contemporaine» ayant assimilé «les études et les devoirs de la science» pour rechercher «l’Art et […] la Vérité», du théâtre devant contraster l’engouement du public pour les dramaturges scandinaves et remettre à l’honneur «les qualités françaises», ou encore de l’écriture diaristique chargée de portraiturer les hommes dans le fugitif et le provisoire de l’impression d’un instant pour «représenter l’ondoyante humanité dans sa vérité momentanée». Quel que soit le genre que les Goncourt choisissent, celui-ci devient le lieu d’une bataille où l’horizon d’attente du public compte moins que la nécessité d’exprimer de façon fidèle le résultat de leur anatomie du réel. La distinction et la vocation, qui caractérisent le nouveau statut de l’artiste moderne, apparaissent ainsi comme les garantes de l’authenticité des valeurs exprimées, au prix d’un labeur sans égal et d’une réception fluctuante. Antimodernes devenus pourtant témoins de la modernité, Edmond et Jules de Goncourt revendiquent la cohérence systémique et le caractère moral de leur production littéraire où rien n’est laissé au hasard.
Idées et sensations n’échappe pas à cette double exigence. Dans cette œuvre en général délaissée, les deux écrivains ont réinterprété la forme brève, bien plus dans la lignée de Chamfort que de Joubert ou de La Rochefoucauld. L’hybridation formelle qu’ils mettent en place tient de l’aphorisme, qui deviendra la forme moderne de la brièveté, partagé entre la pensée qui aspire à l’universalité et la sensation en tant qu’impression observée, étudiée et analysée. Leurs idées oscillent entre une vérité apparemment générale et une affirmation de l’individualité et de la singularité ; leurs impressions se construisent autour de l’anecdote et du portrait, mais intègrent le paradoxe, imprimant une valeur circonstancielle et relative à l’énoncé et se prêtant à l’expression de la distinction. Écriture tiraillée entre l’impression de finitude et celle de l’incomplétude, elle se veut le produit de l’immédiateté autant que de l’ironie et une déclinaison de l’esthétique du morcelé, de la touche impressionniste ou de la fragmentation typique de leur esthétique. Un système de valeurs se dessine inévitablement: la forme s’y prête, en se distinguant du Journal et en poursuivant un objectif plus explicite; les sujets abordés tracent les contours de tout l’univers goncourtien.
La jouissance masquée ou « la peine du style »
par Véronique Cnockaert
La satisfaction des appétits décris dans les romans dits réalistes ou naturalistes sont un passage obligé. Cependant quand est-il vraiment de la jouissance et de sa représentation romanesque ? Chez les Goncourt, dans les romans ou dans le Journal, s’élabore une clinique de la jouissance, qui va des affects du corps — qui ne craignent pas la démesure allant jusqu’à s’opposer au plaisir (ainsi l’abnégation douloureuse d’Élisa pour son commis-voyageur) — à la jouissance quasi mortifiée de l’écrivain, « mort du travail de la forme, à la peine du style » (J., 22 juin 1870).
Cet article aimerait cerner cette jouissance masquée dans quelques romans (Renée Mauperin, La Fille Élisa, Madame Gervaisais) et dans Le Journal (extraits) afin de révéler (ou non) une économie singulière de la jouissance qui va de la transgression par le corps à celle sublimée, mais non moins réelle, par et de l’écriture.
Biographies
Pauline Schnapper
Eléonore Réverzy
Bernard Vouilloux
Bernard Vouilloux, professeur de littérature française du xxe siècle (littérature et arts visuels) à Sorbonne Université, a centré ses recherches sur les rapports entre le verbal et le visuel, littérature et peinture, poétique et esthétique. Au sein du Centre d’étude de la langue et de la littérature françaises-CELLF (UMR 8599 CNRS/Sorbonne Université), il est responsable de l’axe transversal « Littérature, arts, médium ». Outre de très nombreux articles, il a publié une vingtaine d’ouvrages, parmi lesquels, dernièrement, Figures de la pensée. De l’art à la littérature – et retour (Hermann, 2015) et Gisèle Vienne. Plateaux fantasmatiques (Shelter Press, 2020).
Alexandre Péraud
Docteur en littérature française et diplômé de l’Institut de Sciences politiques de Bordeaux, Alexandre Péraud est maître de conférences habilité en littérature française et membre de l’équipe d’accueil TELEM. Spécialiste du roman réaliste, il réfléchit aux relations qu’entretiennent la littérature et les sciences, notamment l’économie, au XIXe et XXe siècles. Il a notamment publié Le crédit dans la poétique balzacienne (Garnier, 2012) et La comédie (in)humaine de l’argent (dir.) (Le Bord de l’eau, 2013).
Kosei Ogura
Koseï Ogura est professeur à Keio University (Tokyo). Il étudie principalement le roman français du XIXe siècle dans ses rapports avec l’histoire sociale et culturelle. Il est notamment l’auteur Comment on représente l’histoire. Dialogues entre littérature et historiographie, 2021, Zola et la France moderne. De l’histoire au récit, 2017, Nadar photographe, 2016 et de Lire les autobiographies de criminels, 2010.
Stéphane Guégan
Historien, critique d’art et conseiller scientifique auprès de la Présidence du Musée d’Orsay, Stéphane Guégan est l’auteur de plusieurs livres sur la peinture et la littérature des XIXe et XXe siècles, dont une édition des Salons de Stendhal (Le Promeneur, 2002), une biographie de Théophile Gautier (Gallimard, 2011) et un essai sur la critique d’art de Baudelaire (Flammarion, 2021). Il a été le commissaire de plusieurs expositions : Théodore Chassériau. Un autre romantisme (Grand Palais, 2002), De Delacroix à Renoir. Les peintres français en Algérie (Institut du monde arabe, 2003), Ingres (musée du Louvre, 2006), Manet. Inventeur du Moderne (musée d’Orsay, 2011), Bistrot ! De Baudelaire à Picasso (Bordeaux. Cité du vin, 2016), Le Modèle noir. De Géricault à Matisse (musée d’Orsay, 2019), Toulouse-Lautrec, résolument moderne (Grand Palais, 2019) et Huysmans. De Degas à Grünewald (musée d’Orsay, 2019).
Nao Takaï
Nao Takaï est maître de conférences à la Japan Women’s University de Tokyo où elle enseigne la littérature et la culture françaises. Titulaire d’un doctorat de langue et littérature françaises obtenu à l’Université de Paris Nanterre en 2010, elle est l’auteur du Corps féminin nu ou paré dans les récits réalistes de la seconde moitié du XIXe siècle (Champion, 2013). Ses travaux récents portent sur les vêtements et la mode dans les ouvrages des écrivains du XIXe siècle, parmi lesquels « Le tulle et la représentation du corps féminin chez les écrivains français du XIXe siècle – Balzac, Zola et les frères Goncourt » (Tissus et vêtements chez les écrivains au XIXe siècle : sociopoétique du textile, A. Montandon dir., Champion, 2015) et « Edmond de Goncourt et la mode féminine fin de siècle (Cahiers Goncourt, 2019.
Sébastien Roldan
Sébastien Roldan est professeur associé de littérature française du XIXe siècle à l’Université de Winnipeg (Canada). Ses recherches interrogent le dialogue qui s’effectue dans l’œuvre littéraire entre littérature et philosophie, en particulier dans le roman naturaliste français. Il a fait paraître dans cette veine un essai, La Pyramide des souffrances (PUQ, 2012), et un numéro de périodique, La Seine littéraire au XIXe siècle (revue Arborescences, 2019). Ses travaux sur les premières œuvres des frères Goncourt ont paru notamment dans les Cahiers Goncourt (2013), dans le collectif Les Goncourt historiens (2017), ainsi que, plus récemment, dans le podcast que le collège de sociocritique de Montréal a consacré en mars 2021 à l’imaginaire du masque.
Stéphane Gougelmann
Maître de conférences en littérature française à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne, membre de l’UMR IHRIM, Stéphane Gougelmann travaille principalement sur la seconde moitié du XIXe siècle, en particulier sur l’œuvre de Jules Renard. Il a notamment dirigé, avec Jean-Louis Cabanès, le numéro de la revue Europe (novembre-décembre 2015) consacré aux frères Goncourt et à Jules Renard et fait paraître chez Classiques Garnier, en 2017, Jules Renard, écrivain de l’intime. Il s’intéresse également aux représentations du genre et des sexualités en littérature dans une perspective poétique et historique. Aux Presses de l’Université de Saint-Étienne (PUSE), il a ainsi dirigé avec l’historienne Anne Verjus Écrire le mariage en France au XIXe siècle (2017) et a créé la collection « le genre en toutes lettres ».
Émilie Sermadiras
Agrégée de lettres modernes et docteure en littérature française, Émilie Sermadiras est actuellement lectrice d’échange à l’Université de Bari. Ses recherches portent sur les liens entre littérature, médecine et religion dans le roman du XIXe siècle. Elle a récemment publié Croire et souffrir. Religion et pathologie dans le roman de la seconde moitié du XIXe siècle (Classiques Garnier, 2021) : l’ouvrage est une version remaniée de sa thèse, soutenue en 2018, à l’Université Sorbonne-Université. Elle prépare actuellement une édition critique de La Fille Élisa, dans le cadre de l’édition des Œuvres narratives complètes des frères Goncourt, sous la direction de Jean-Louis Cabanès (Classiques Garnier).
Jean-Didier Wagneur
Jean-Didier Wagneur est chercheur au sein du Centre des Sciences des Littératures en langue Française (Université Paris Nanterre) et de l’Équipe Goncourt (CRP19).
Marie-Astrid Charlier
Marie-Astrid Charlier est maîtresse de conférences en littérature française du XIXe siècle à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, membre du RiRRa21 et de l’ANR Numapresse. Ses travaux portent sur les naturalismes (roman, nouvelle, théâtre) ainsi que sur les liens entre littérature, médias et culture visuelle. Elle a notamment publié Le Romans et les Jours. Poétiques de la quotidienneté au XIXe siècle chez Classiques Garnier en 2018. Une liste de ses publications est disponible sur HAL.
Véronique Samson
Véronique Samson enseigne la littérature au collège du Vieux Montréal, après avoir mené des recherches postdoctorales à l’Université de Cambridge et plus récemment au CRP19, à l’Université Sorbonne Nouvelle. Son livre Après la fin. Gustave Flaubert et le temps du roman est paru au début de l’année 2021 aux Presses universitaires de Vincennes. Ses recherches actuelles portent principalement sur la mémoire dans le roman du XIXe siècle. Elle a codirigé avec Marie-Astrid Charlier un dossier portant sur les « Temps vécus, temps racontés », qui paraîtra en 2022 dans la revue en ligne KOMODO 21.
Robert Kopp
Après des études à l’École Normale Supérieure et à la Sorbonne, Robert Kopp a enseigné dans les classes préparatoires de Stanislas-Saint-Louis, puis a été l’assistant de Georges Blin au Collège de France. Nommé, en 1971, professeur à l'université de Bâle, il y a occupé la chaire qui fut celle de Marcel Raymond, Albert Béguin, Georges Blin, Jean Starobinski, Claude Pichois. Doyen de la Faculté des Lettres et Sciences humaines, il a également été professeur associé à la Sorbonne, à l'Université de Paris X, à l'EPHE, à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm.
Derniers ouvrages parus : Baudelaire, le soleil noir de la modernité (Gallimard, 2004, coll. « Découvertes », nouvelle édition 2017); édition critique de La Vielle Fille de Balzac (Gallimard, 2002, coll. „folio“, nombreuses réimpressions); édition critique du Spleen de Paris (Gallimard, coll. "poésie", 2006) ; Breton (Album de la Pléiade, Gallimard, 2008) ; La place de la NRF dans la vie littéraire du XXe siècle, 1908-1943 (Gallimard, « Les Cahiers de la NRF », 2009, ouvrage collectif); Romantisme et révolution(s) (Gallimard, « Les Cahiers de la NRF », 3 volumes, 2008-2010, ouvrage collectif); Un siècle de Goncourt (Gallimard, 2012, collection « Découvertes ») ; Gide, Copeau, Schlumberger : l’Art de la mise en scène (Gallimard, « Les Cahiers de la NRF », 2017, ouvrage collectif), Un monde de lettres. Les auteurs de la première NRF au miroir de leurs correspondances, Gallimard, « Les Cahiers de la NRF », 2021, ouvrage collectif).
Zadig Gama
Zadig Gama est Chargé de cours de langue et littérature françaises à l’Université de l’État de Rio de Janeiro et Doctorant en Lettres Néolatines (Littératures de Langue française) à l’Université Fédérale do Rio de Janeiro, sous la direction de Mme Celina Mello, ayant suivi un stage doctoral à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris III, sous la supervision de Mme Éléonore Reverzy. Son sujet de thèse porte sur la circulation, réception et pérennité de l’œuvre des frères Goncourt dans le champ littéraire brésilien. Parmi ses publications récentes, l’on citera « La réception de Sœur Philomène au Brésil », dans les Cahiers Edmond et Jules de Goncourt ; et « Academia Goncourt : a instituição em três momentos », dans la revue Interfaces.
Peter Vantine
Peter Vantine enseigne à Saint Michael’s College (Vermont, États-Unis), où il est Professeur de français, Directeur du département de Classical and Modern Languages and Literatures [Littératures et Langues Classiques et Modernes], et Directeur du programme de First-Year Seminar [Séminaire de première année]. Une partie importante de ses travaux sur la littérature française du dix-neuvième siècle portent sur l’œuvre des frères Goncourt.
Pierre Dufief
Pierre-Jean Dufief est professeur émérite à l’université de Paris-Nanterre. Il a travaillé sur le roman de la seconde moitié du XIXe siècle, sur l’œuvre des frères Goncourt ainsi que sur les correspondances d’écrivains du XIXe siècle. Il a dirigé pendant douze ans une unité du CNRS consacrée aux correspondances et journaux intimes. Il a édité plusieurs volumes de la correspondance générale et croisée des Goncourt et est président de Société des amis des Frères Goncourt. Il a coordonné avec Colette Becker le Dictionnaire des naturalismes, Champion, 2018 et a publié en 2020 avec Jean-Louis Cabanès une biographie des Frères Goncourt chez Fayard.
Stéphanie Champeau
Stéphanie Champeau, ancienne élève de l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, agrégée de Lettres Modernes et docteur en littérature, est maître de conférences à l’Université de Rouen et spécialiste du XIXe siècle, particulièrement de l’œuvre des Goncourt : elle a publié un ouvrage intitulé La Notion d’artiste chez les Goncourt (Champion, 2000) et procuré des éditions de leurs romans Manette Salomon (folio, 1996) et Renée Mauperin (Classiques Garnier, 2014). Elle travaille aussi sur Flaubert (colloque sur Salammbô en 1996, sur Madame Bovary en 2006, communication sur Flaubert et les Goncourt en 2016, séminaire Flaubert, site Flaubert de l’université de Rouen…). Elle a aussi publié, avec Sylvain Ledda, une édition de La Cousine Bette de Balzac chez Garnier-Flammarion (2015) et a écrit récemment plusieurs articles sur Barbey d’Aurevilly.
Chantal Pierre
Chantal Pierre est maître de conférences en littérature du dix-neuvième siècle à l’Université de Nantes. Elle est membre du comité de rédaction de la revue électronique Atlantide et des Cahiers naturalistes. Elle a travaillé sur Zola (Zola, Les Fortunes de la fiction, Nathan, 2000, édition G-F de L’Assommoir), les Goncourt (« Les larmes aux yeux : les Goncourt pathétiques », Europe, nov-déc. 2015), le naturalisme (« Viols naturalistes : ‘commune histoire’ ou ‘épouvantable aventure ‘ ? », Tangence, n°114, 2017), la génétique et la poétique du roman. Ses derniers travaux portent sur la place de l’émotion comme critère du discours et du jugement critique au XIXe siècle (« Un héritage naturaliste : la querelle de l’empathie », Naturalisme.- Vous avez dit naturalismeS ?, 2016, PSN ; « C’est que le coeur aussi se dessèche » : Gide, Flaubert et la sympathie, Bulletin des amis d’André Gide, Automne 2020).
Federica D'Ascenzo
Federica D’Ascenzo est professeur associé de Littérature Française auprès du Dipartimento di Lingue, Letterature e Culture Moderne de l’Università degli Studi « G. d’Annunzio» de Chieti-Pescara (Italie). Ses recherches portent sur la littérature française d’Avant-garde des XIXe et XXe siècles, sur l’évolution des techniques et des poétiques romanesques de la seconde moitié du XIXe siècle et du XXe siècle, et sur les rapports entre littérature francophone et culture italienne analysés par le biais de la réception, de la traduction, de l’autotraduction et de la réécriture. Elle a consacré de nombreux articles à l’œuvre d’Edmond et Jules de Goncourt et notamment une monographie I fratelli Goncourt e l’Italia (2012). Elle a également publié des éditions critiques visant à valoriser l’apport d’auteurs oubliés de la fin de siècle dans le renouvellement des formes narratives – Édouard Dujardin, Les Hantises (2001), Francis Poictevin, Songes (2012).
Véronique Cnockaert
Véronique Cnockaert est professeure au Département d’Études littéraires de l’Université du Québec à Montréal. Elle est spécialiste du XIXe siècle et particulièrement de l’œuvre de Zola et du Naturalisme (Édition d’Une Page d’amour de Zola, Paris, Garnier, 2021 ; Édition de Renée Mauperin des Goncourt, Paris, H. Champion, 2017 ; Édition commentée d’Au Bonheur des Dames, « Foliothèque », Paris, Gallimard, 2007). Elle s’intéresse également aux rapports entre littérature et ethnologie, elle a publié en collaboration avec Marie Scarpa et Jean-Marie Privat (univ. Paul-Verlaine de Metz) une Anthologie de l’ethnocritique (Presses U. de Québec, 2011).