Jean Françaix - de 1979 à 1997

Publié dans Nos conseillers musicaux

© archives Schott

Jean Françaix nait au Mans, le 23 mai 1912 d’un père directeur de conservatoire et d’une mère professeure de chant. Très tôt, ses dons pour la musique se font remarquer par son professeur de piano, Nadia Boulanger, qui écrit à son sujet :

“Je n’ai jamais enseigné beaucoup d’enfants, j’ai eu très peu de cas et des cas de tels dons que ça ne prouve rien. Mais, un jour, un enfant - Jean Françaix - devait venir pour sa première leçon d’harmonie et je me disais : “Comment vais-je m’y prendre ?” Cela me tenait éveillée la nuit, je me tourmentais. Lorsqu’il est arrivé, je lui ai dit : “Tu sais, Jean, aujourd’hui nous allons travailler les accords … - Ah ! Oui, comme cela…” Et il me joue l’accord, avec l’air de bébé qu’il avait, car il était vraiment très enfant. Au bout de deux mois, j’ai dit à sa mère : “Madame, je ne sais pas pourquoi nous perdons du temps à lui faire travailler l’harmonie, il sait l’harmonie. Je ne sais pas comment, mais il la sait, il est né la sachant. Faisons du contre-point.”

[extrait de Mademoiselle - Entretiens avec Nadia Boulanger par Bruno Monsaingeon, éditions Van de Velde, 1980]

A 10 ans, il compose au piano Pour Jacqueline qu’il dédie à sa petite-cousine et qui sera édité en 1924 aux éditions Sénart. Il intègre en 1926 la classe d’Isidore Philip au conservatoire de Paris. A l’époque, le jeune garçon enchaîne les trajets Le Mans-Paris au cours desquels il passe le temps en composant. Georges Auric disait de lui qu’il ne pouvait pas rester vingt-quatre heures sans écrire de la musique. En 1930, il obtient son premier prix de piano, premier nommé, au Conservatoire national supérieur de Paris. 

En parallèle à ses études au conservatoire, Jean Françaix suit l’enseignement de Nadia Boulanger de 1922 à 1934. Élève et mentor entretiendront des liens étroits tout au long de leur vie. C’est notamment grâce à Nadia Boulanger que le jeune pianiste est introduit dans le salon musical de Winnaretta Singer. Alors qu’il n’a que 12 ans, il est invité à tourner les pages des plus grands compositeurs et interprètes dans l’atelier de la princesse de Polignac.

Winnaretta Singer-Polignac lui commande deux œuvres qu’il crée dans son atelier : la Sérénade pour douze instruments en 1934 et Le Diable boiteux en 1938. D’autres de ses œuvres sont également jouées dans le salon de la princesse telles le Concertino pour piano, Trois duos pour deux sopranos, la Sonatine pour violon et piano et son Trio à cordes. Ses représentations lui servent de tremplin et l’installent sur la scène musicale parisienne mais aussi internationale (retransmission sur la BBC du Diable boiteux en 1938).

Ce cercle artistique lui permet de rencontrer, entre autres, Igor Stravinsky, Paul Valéry, Darius Milhaud, mais également le comte de Beauvau-Craon qui lui présente Sacha Guitry, ainsi que Francis Poulenc avec qui il noue une grande amitié. En effet, les deux compositeurs s’influencent mutuellement : Françaix adresse des dédicaces à Poulenc sur plusieurs manuscrits, tous deux partagent la scène sur piano à quatre mains, Françaix remporte le Prix du Disque en 1954 en interprétant le Sextuor pour piano et instruments à vent de Poulenc, enfin, ils collaborent sur l’orchestration de l’Histoire de Babar en 1962.

En 1937, Jean Françaix épouse Blanche Yvon, violoniste et chanteuse, qui le soutiendra et le conseillera tout au long de sa carrière de compositeur. Cette même année, il entame un travail de recherche pour l’écriture d’une de ses œuvres majeures, L’Apocalypse selon Saint-Jean, dont l’orchestration s’achèvera en 1939. 

Dans les années 50, il collabore avec Sacha Guitry pour qui il compose la musique de plusieurs films : Perles de la Couronne, Si Versailles m’était conté, Napoléon, Si Paris nous était conté, Assassins et voleurs… C’est également à partir de cette période que Jean Françaix entreprend de nombreuses tournées internationales en tant qu’interprète mais aussi pour promouvoir ses propres œuvres. En 1959, il reçoit des mains de Nadia Boulanger, la croix de la Légion d’honneur au conservatoire américain de Fontainebleau où il joue en avant-première son Concerto de clavecin.

L’année 1965 marque un point culminant dans sa carrière internationale puisque ses œuvres sont reprises par les plus grands orchestres en Allemagne, en Turquie et en Israël, mais aussi aux Etats-Unis et au Canada.

Il reçoit en 1992 le Prix international de composition Arthur Honegger pour l'ensemble de son œuvre.

On peut dénombrer deux cent quinze pièces composées par Jean Françaix s’illustrant dans tous les genres. Citons : la musique de films avec Sacha Guitry, la musique sacrée avec L’Apocalypse selon Saint Jean, seize ballets (Scuola di ballo, Le Roi nu, Les Demoiselles de la nuit, Pierrot ou les secrets de la nuit…), cinq opéras et opéras comiques (La Main de Gloire, La Princesse de Clèves…), des œuvres vocales (Le Diable boiteux, entièrement bissé lors de sa représentation au Carnegie Hall en 1950, Trois poèmes de Paul Valéry, L’Ode à la gastronomie…), des œuvres orchestrales (Sérénade pour douze instruments…), une trentaine d’œuvres concertantes (Concerto pour deux pianos, Concerto pour clarinette et orchestre…) et plus de cinquante pièces de musique de chambre (Trio à cordes, Quintette à vents n° 1, Petit quatuor pour saxophones…).

A la mort de Nadia Boulanger en 1979, il reprend la direction des activités musicales de la Fondation Singer-Polignac jusqu’à son décès en 1997, à l’âge de 85 ans.