Roger Heim

Président de la Fondation Singer-Polignac de 1958 à 1976

Membre du conseil d’administration 1956 – 1979 †

« Le professeur Roger Heim nous a quittés le 17 septembre 1979. C’est avec beaucoup d’émotion que nous évoquons aujourd’hui sa haute figure de savant, d’érudit, d’administrateur. Roger Heim est né à Paris le 12 février 1900. Après des études secondaires au collège Chaptal, il se destinait à une carrière d’ingénieur. Il entra à l’École centrale des arts et manufactures en 1920, et fut reçu ingénieur en 1923. C’est à ce moment qu’une vocation irrésistible vint changer sa destinée. Il se tourna vers les sciences de la nature. Dès 1924, il était licencié ès sciences. En 1925, il devint l’assistant du professeur Louis Mangin au Muséum d’histoire naturelle où il prépara sa thèse de doctorat ès sciences, qu’il passa en 1931. Il est nommé sous-directeur du laboratoire de cryptogamie du Muséum en 1932, directeur de laboratoire à l’École des hautes études en 1940. Pendant la guerre de 1940-1945, Roger Heim s’engagea un des premiers dans la résistance active. Il fut arrêté en 1943 et déporté à Buchenwald puis à Mauthausen (Gusen) par les Allemands. Il connut pendant deux ans l’immense souffrance, la détresse insondable des déportés des camps de la mort.

Il publia des souvenirs de ce monde inhumain, insoutenable, où se commettaient quotidiennement des crimes inexpiables, perpétrés par des êtres revenus à l’état de bêtes sauvages. Dans la Sombre Route il insistait sur la responsabilité d’un peuple fanatisé ou terrorisé, qui n’eut pas un seul sursaut, un seul mouvement de pitié, d’humanité. Sans doute ces impressions d’une sensibilité à vif paraissent-elles dures aujourd’hui à l’égard d’un peuple qui a laissé commettre de telles abominations. Roger Heim ne faisait qu’exprimer la réprobation et l’horreur du monde civilisé, il mettait en garde nos contemporains, les survivants, les descendants du génocide, contre le retour de telles exactions. Roger Heim fut une victime, en même temps qu’un témoin des atrocités nazies. Il nous crie encore: « Pardonnez, si vous le pouvez, mais n’oubliez pas. »

Sauvé presque miraculeusement des camps de la mort grâce à sa résistance physique et morale, le professeur Roger Heim reprend, après la guerre, son activité scientifique. Elle sera de haute tenue ; des découvertes retentissantes ne tarderont pas à couronner son effort. Elles ont trait, pour la plupart, à la mycologie (anatomie, biologie, reproduction, classification et phylogénie des champignons, maladies des plantes). Sa connaissance approfondie de ces sujets l’oriente dans une direction qu’il n’abandonnera plus et où il ira de découverte en découverte: ce sont les champignons hallucinogènes. Il a étudié leurs caractères anatomiques, systématiques (ce sont principalement des agaricinées), leur structure chimique, leurs propriétés physiologiques. Il a étudié sur lui-même, avec la plus grande pénétration et un véritable courage, les effets psychiques et physiques de ces champignons. Il a montré ce qu’on pouvait en attendre en bien comme en mal, c’est-à-dire les effets nuisibles sur le système nerveux et le psychisme, mais aussi les effets bienfaisants (hypnotiques, antalgiques) qu’ils peuvent entraîner, s’ils sont administrés avec modération et précision.

Le professeur Heim, l’un des premiers, a donné l’alerte à la pollution, à l’épuisement du monde vivant, au massacre des animaux en voie de disparition, des animaux en général, à l’exploitation abusive des végétaux actuels ou fossiles. Il a publié sur ces sujets des livres de prémonition, qui étaient alors en avance sur leur temps, que l’actualité a largement rejoints et dépassés. La protection de la nature, l’environnement ont été son souci constant; il l’a exprimé dans de nombreux écrits, tels l’Angoisse de l’an 2000, dans de nombreux discours, rapports ou conférences et dans un film intitulé Nature morte. Ces œuvres, qui paraissaient pessimistes et quelque peu excessives au moment où elles ont paru, se sont révélées – malheureusement – l’exact reflet de la réalité actuelle. Un autre film, ayant pour sujet les champignons hallucinogènes, a été tourné par lui.

Notre président honoraire n’était pas seulement un homme de cabinet, il était l’homme des récoltes sur le terrain, et l’homme des grands voyages (Pacifique Sud, Indochine, Inde, Madagascar, Afrique noire). Il exerça de hautes fonctions et reçut de nombreux honneurs: directeur du Muséum d’histoire naturelle de 1951 à 1965, il fut membre de l’Académie des sciences depuis 1946, de l’Académie d’agriculture, de l’Académie des sciences coloniales et de l’Académie des sciences d’outre-mer; il fut président de ces Académies. Il était grand officier de la Légion d’honneur, titulaire de la croix de guerre (1939-1945), de la médaille de la Résistance, de la médaille des Déportés, et de nombreuses autres décorations et dignités françaises et étrangères.

Il défendait, en toutes circonstances, le maintien du français dans le langage scientifique; il faisait campagne pour la sauvegarde de notre langue; il prêchait l’exemple dans ses écrits et ses discours*. Ses allocutions aux soirées de la fondation Singer-Polignac étaient des modèles de style et de goût artistique. Le professeur Roger Heim a été président de notre Fondation après la mort d’Edmond Faral, de 1958 à 1976. C’est pendant cette période qu’il fit édifier et inaugura, à Tahiti, le musée Gauguin qui s’élève au milieu d’une éclatante végétation tropicale, cadre bien digne de célébrer la mémoire du grand peintre français, et qui attire chaque année des dizaines de milliers de visiteurs. »

Étienne Wolff, de l’Académie française

*Voir à ce sujet « La langue française et la science » dans la plaquette Cinq Propos sur la langue française, consacrée à des conférences prononcées par cinq auteurs différents, sous les auspices de la fondation Singer-Polignac.

Edmond Faral

Président de la Fondation Singer-Polignac de 1938 à 1958

Membre du conseil d’administration 1931 – 1958 †

« Edmond Faral avait le don, plus rare qu’on ne croit, de l’autorité. On se hasardait peu à le contredire. Le masque énergique, la voix brève, l’attitude tendue ajoutaient encore à une impression de rigueur que modifiait seul son commerce plus intime, que tempérait aussi le sentiment des nuances tel qu’y entraîne la formation universitaire. Là où il est passé, que ce soit au conseil supérieur de l’instruction publique, dont il était le vice-président, ou bien au Collège de France, où il se révéla un administrateur hors pair, il a laissé la marque de son action. Néanmoins, c’est l’érudit qui doit plutôt nous retenir: ses mérites de philosophe scrupuleux, bien informé, ne reculant pas d’ailleurs devant l’hypothèse hardie; ses mérites aussi d’historien des lettres, à l’occasion, d’historien tout court. Il a repris en main, rénové les études sur la littérature du Moyen Âge, montrant que toute une partie de notre littérature en vieux français avait subi l’influence de l’art poétique latin, de textes latins créés parallèlement à elle dans les écoles et les cénacles. Grâce à Edmond Faral, ces œuvres latines du XIIe au XIVe siècle, longtemps méconnues, sortaient de leur isolement, perdaient leur gratuité.

L’autre grand travail de notre confrère sur la Légende arthurienne procède, au fond, d’une pensée analogue. L’auteur n’admet pas que ce vaste cycle légendaire soit né du folklore et d’une tradition purement orale. Il y retrouve le génie inventif d’un narrateur qui avait puisé dans des matériaux savants, les uns de provenance celtique, les autres, plus nombreux, du fonds gréco-romain. Ainsi est remis en honneur le primat de la chose écrite, du savoir clérical: thèse séduisante, dont on pourrait sans peine transférer le bénéfice à d’autres domaines littéraires. On évoquera naturellement, à ce sujet, les Légendes épiques de Joseph Bédier, maître de Faral, ce livre duquel la Légende arthurienne forme un digne pendant. »

Louis Renou, membre de l’Institut

Joseph Bédier

Président de la Fondation Singer-Polignac de 1932 à 1938

Membre du conseil d’administration 1928 – 1938 †

« D’ascendance bretonne, Joseph Bédier hérita de ses ancêtres des cheveux blonds, des yeux très bleus, et un sens de l’honneur extrêmement développé. Son trisaïeul, chirurgien du roi, débarqua un jour avec son régiment dans la lointaine petite île Bourbon; il s’y fixa. Peuplée de familles originaires, pour la plupart, de Bretagne, l’île se couvrit très vite de riches cultures; la canne à sucre y fut introduite par un Bédier.

C’est au cours d’un voyage de ses parents en France que Joseph Bédier naquit à Paris en 1864; mais il fut élevé à la Réunion et fréquenta le lycée de Saint-Denis. Il alla poursuivre ses études à Paris, entra à l’École normale supérieure dans la section des lettres et y retrouva son frère Édouard, inscrit à la section des sciences. Celui-ci voulut vivre dans leur île tant aimée; il mourut comme proviseur du lycée de Saint-Denis.

Joseph revint à Paris après un bref séjour à Bourbon ; il suivit les cours de Gaston Paris au Collège de France et resta son élève préféré.

Tout d’abord lecteur à l’université allemande de Halle, ensuite professeur à Fribourg en Suisse, Bédier est nommé maître de conférences à Caen à l’âge de vingt-six ans: sa thèse de doctorat sur les Fabliaux révèle une puissante originalité.

À vingt-neuf ans, il revient à l’école de la rue d’Ulm en qualité de maître de conférences. Il entreprend une tâche passionnante: la reconstitution du roman de Tristan et Iseult à l’aide de fragments divers traduits au XIIIe siècle en différentes langues. Bédier en fait un amalgame qui est une magnifique réussite: « C’est un poème français du milieu du XIIe siècle, mais composé à la fin du XIXe, en belle et simple prose » par un homme qui « aime modeler ses phrases, écouter leur rythme et leur musique ». L’ouvrage paraît en 1900; les éditions de ce chef-d’œuvre se succèdent encore aujourd’hui. Le Collège de France accueille Bédier en 1903 pour succéder à Gaston Paris dans la chaire de langue et littérature françaises du Moyen Âge. Faire des cours sur des sujets de son choix lui donne la précieuse liberté qui lui manquait à l’École normale. Il aborde le problème de l’origine des chansons de geste des XIe et XIIe siècles.

Il acquiert vite la conviction du rôle décisif des abbayes qui jalonnaient les routes des pèlerinages, dans la naissance de ces poèmes composés à la gloire de héros ou de saints locaux, morts depuis des siècles, mais dont les moines conservaient les reliques et connaissaient les merveilleuses aventures: « Les trouvères puisaient auprès des moines le thème des poèmes qu’ils composaient pour enchanter les pèlerins. »

En 1913, paraissent les Légendes épiques où Bédier démontre que ces épopées appartiennent bien à la France et qu’elles ne sont nullement animées par le souffle des forêts germaniques. «La Chanson de Roland, qui exalte la fidélité et l’honneur, est à nous. Nous vous remercions, Monsieur, d’avoir démontré ce que nous sentions », dira Louis Barthou en recevant Joseph Bédier à l’Académie française en 1920.

Choisi par ses pairs, Bédier administra le Collège de France à partir de 1929. Messager illustre de la France, il succéda à Raymond Poincaré à la présidence de l’Alliance française en 1934. Le gouvernement de la République l’éleva à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur en 1937.

Il mourut le 29 août 1938 au Grand-Serre, dans le Dauphiné, où il a été inhumé. Joseph Bédier présida à la naissance de la fondation Singer-Polignac. Une des premières manifestations scientifiques organisées sous les auspices de cette fondation fut un colloque international sur les hormones sexuelles qui se tint au Collège de France en juin 1937. Au nombre des participants, j’ai écouté avec émotion le grand lettré nous accueillir et nous rappeler très simplement l’étymologie du mot « hormone ». Il nous conduisit ensuite à l’hôtel de l’avenue Henri-Martin et nous présenta à la princesse qui sut favoriser si noblement, en France, le développement des arts, des lettres et des sciences. »

 

Robert Courrier, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences

 

 

Raymond Poincaré

Président de la Fondation Singer-Polignac de 1928 à 1932

Membre du conseil d’administration 1928 – 1934†

« Il est tout à l’honneur du Conseil d’administration de la fondation Singer-Polignac que son premier président, dans l’ordre chronologique, ait été l’un des Français les plus considérables de l’époque, l’un des plus grands hommes d’État de la IIIe République.

Lorsqu’il fut appelé à ces fonctions, en 1928, Raymond Poincaré, âgé de soixante-huit ans, approchait du terme d’une carrière retentissante et bienfaisante, qui devait prendre fin quatre années plus tard. Ministre dès la trentaine, grand avocat, il avait connu tous les succès, y compris les honneurs académiques et même – consécration suprême à ses yeux! – ceux du bâtonnat de Paris.

Investi à trois reprises de la présidence du Conseil, il avait donné toute sa mesure, à la fois comme chef de formations d’union nationale, groupant tous les Français de bonne volonté, et comme inspirateur, en même temps que prestigieux artisan d’une politique française d’ordre intérieur, de sagesse financière, de fermeté prudente mais résolue en matière de relations internationales.

Président de la République durant la Première Guerre mondiale, il avait grandement contribué à instaurer l’« union sacrée » dont il fut l’authentique parrain et, par la suite, à entretenir dans le pays, même et surtout aux heures les plus sombres, la volonté de « tenir » et la foi en la victoire. En appelant au pouvoir, fin 1917, un Clemenceau qui ne le ménageait guère, il avait fait preuve d’une abnégation personnelle dont il fut amplement récompensé lorsque, après la victoire, à Strasbourg, le Tigre – pour un moment réconcilié – tomba dans ses bras.

Ce Lorrain de bonne souche bénéficiait d’une popularité véritable auprès du «Français moyen» qui, rendant hommage à son patriotisme intransigeant ainsi qu’à son civisme sans tache, aimait à retrouver en lui le bon sens traditionnel.

Sollicité par Maurice Paléologue, son ami de toujours, il avait accepté, malgré sa santé déjà chancelante, d’apporter à la Fondation naissante l’immense autorité de son nom.

Il apparaissait déjà tel que nous le représente l’Histoire: homme de devoir et de labeur, épris d’ordre et de légalité, méthodique au point de paraître méticuleux, s’acquittant des tâches qu’il avait assumées avec une admirable conscience, défendant avec la même ardeur – et la même efficacité – la prérogative de l’État et les principes démocratiques.

Il fut un grand serviteur de son pays et, en même temps, des «valeurs » intellectuelles et morales sur lesquelles repose la civilisation occidentale – valeurs dont la fondation Singer-Polignac, qui garde à son premier président un souvenir respectueux, a mission de s’inspirer et qu’elle s’attache à faire prévaloir. »

Maurice Reclus, membre de l’Institut

Yves Pouliquen

de l’Académie française, président de la Fondation Singer-Polignac de 2006 à 2020 (†)

Yves Pouliquen est né à Mortain, dans la Manche, le 17 février 1931. Après des études secondaires au lycée Littré, à Avranches, il a fait ses études de médecine à Paris. Interne des hôpitaux en 1956, il a, très tôt, été attiré par l’ophtalmologie. Docteur en médecine en 1963, il a successivement été professeur agrégé, ophtalmologiste des hôpitaux en 1966, professeur d’ophtalmologie et chef du service d’ophtalmologie de l’Hôtel-Dieu de Paris de 1980 à 1996, puis consultant dans ce service jusqu’en 1999. Il a en outre été directeur de l’enseignement du certificat d’ophtalmologie de l’Ile-de-France, et coordinateur du diplôme universitaire d’ophtalmologie (1980-1996). C’est à lui que l’on doit la promotion de la recherche en ophtalmologie dans notre pays, grâce, notamment, à la création d’une unité Inserm de recherche en ophtalmologie, qu’il dirigea de 1979 à 1996.

Les travaux d’Yves Pouliquen ont été essentiellement consacrés à la pathologie de la cornée et à l’identification des mécanismes d’altération de sa transparence dans les cicatrices et les dystrophies héréditaires et tout particulièrement au kératocône, caractérisé par une déformation conique de la cornée, qui provoque un astigmatisme si handicapant qu’il nécessite le plus souvent une greffe de cornée. Le grand nombre de greffes qu’Yves Pouliquen a pratiqué lui a permis de décrire, en microscope électronique, les altérations des cornées dystrophiques en comparaison avec la structure de la cornée normale dont il a contribué à définir les règles de sa transparence. Eminent médecin et chercheur, son école a accueilli un très grand nombre d’élèves français et étrangers originaires de l’Europe de l’Est mais aussi japonais, sud-américains, maghrébins et moyen-orientaux qui ont gardé des liens durables avec son école. Il a présidé La Banque française des yeux; et le conseil scientifique de la Fédération des aveugles et handicapés visuels de France. puis l’Organisation pour la prévention de la cécité (OPC), active non seulement en France, mais aussi dans de nombreux pays d’Afrique francophone (lutte contre l’onchocercose, ou cécité des rivières) mais aussi d’Asie du Sud et d’Europe de l’Est.

Ses travaux sur la cornée lui ont valu plusieurs distinctions françaises et étrangères, et tout particulièrement la World Cornea Medal. Il est professeur Honoris causa de l’Université de Conception du Paraguay et de l’Université de Laval au Québec

Sa notoriété internationale a fait qu’on lui a confié l’organisation du XIIIth International Congress of Eye Research tenu à Paris en 1998, et lui a valu l’attribution de l’ISER Award, décerné par la Société internationale pour la recherche sur l’œil.

Médecin, chercheur et grand organisateur de la lutte contre la cécité, Yves Pouliquen est aussi écrivain, auteur d’ouvrages d’intérêt divers consacrés à des sujets concernant la physiopathologie oculaire mais aussi des biographies de grands médecins ( Jacques Daviel, Felix Vicq d’Azyr, Pierre Cabanis) et des essais parus pour la plupart aux éditions Odile Jacob). Ces ouvrages ont été couronnés par de nombreux prix, notamment par le Prix mondial Cino Del Duca, en 1994. L’exceptionnelle qualité de sa carrière médicale, scientifique et littéraire lui ont valu d’être élu à l’Académie française en 2001, au fauteuil de Louis Leprince-Ringuet.

Yves Pouliquen est également membre de l’Académie nationale de médecine (1992), de l’Académie d’ophtalmologie internationale (1990), de l’Académie royale de Belgique (1995) et de l’Académie du Royaume du Maroc (1996).

Grand officier dans l’Ordre de la Légion d’honneur, et Grand officier dans l’Ordre national du Mérite, Yves Pouliquen a été élu à l’unanimité président de la Fondation Singer-Polignac, en 2006, par le conseil de cette fondation, après qu’Édouard Bonnefous, ancien ministre d’Etat et chancelier honoraire de l’Institut de France, ait souhaité, à la veille de son centenaire, quitter les fonctions de président qu’il exerçait, avec le succès que l’on sait, depuis 1984.

Edouard Bonnefous

Ancien ministre d’État, membre de l’Institut, chancelier honoraire de l’Institut de France ( † 2007 )

Président de la Fondation Singer-Polignac 1985-2006

Membre du conseil d’administration 1983 – 2007

Édouard Bonnefous est né le 24 août 1907 et décédé à Paris le 24 février 2007. 

Membre du Comité de libération de Seine-et-Oise, Député de Seine-et-Oise (2 e circ., 1946-58), Président de la commission des Affaires étrangères de l´Assemblée nationale (1948-52), Délégué de la France aux Nations Unies (1948-51), Ministre du Commerce et de l´Industrie (cabinet Edgar Faure, 1952), Ministre d´Etat (cabinet René Mayer, 1953), Ministre des PTT (cabinet Edgar Faure, 1955-56), Ministre des Travaux publics, des Transports et du Tourisme (cabinets Maurice Bourgès-Maunoury, 1957, Félix Gaillard, 1957-58, et Pierre Pflimlin, 1958).

Président d´honneur de la Société d´économie politique, Vice-président du Comité national du livre français à l´étranger, Président du Comité directeur de l´Année politique, Président d´honneur du Comité parlementaire français du commerce et de l´industrie, Président du groupe UDSR de l´Assemblée nationale (1953-55 et 1957), Membre du Conseil supérieur de la recherche scientifique et du progrès technique (1956), Sénateur de Seine-et-Oise (1959-68) puis des Yvelines (octobre 1968, réélu en septembre 1977), Vice-président du groupe sénatorial de la Gauche démocratique, Président de la commission des Finances du Sénat (1972-86), Membre de l’Institut (Académie des sciences morales et politiques) (1958), Chancelier (1978-94), Chancelier honoraire chargé de la commission des fondations (1994) de l´Institut de France, Vice-président (1967), Président (1968) de l´Académie des sciences morales et politiques, Membre étranger de l´Académie royale de Belgique, Membre de l’Académie roumaine, Président (1967) puis Président d’honneur de l´Association professionnelle de la presse républicaine, Président d’honneur de l´Association nationale pour la protection des eaux et de l´Association française pour la défense de l´environnement contre les pollutions et les nuisances (1971), Vice-président du comité français des expositions (1976) (1980), Président puis Président d’honneur (depuis 1992) de l´Agence des espaces verts de l´Ile-de-France, Membre de l´Académie nationale de médecine (depuis 1980), Vice-président délégué (1984-91) puis Président (1991) de l´Institut océanographique, Conseiller régional d´Ile-de-France (1986-92), Membre du conseil d´administration de la Chancellerie des universités de Paris (depuis 1987), Président (1984), Président d’honneur (depuis 2006) de la fondation Singer-Polignac, Président puis Président d’honneur du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), Ancien professeur à l´Institut des hautes études internationales, Vice-président du nouveau cercle de l’Union, Premier vice-président du Cercle interallié.


Œuvres : Collaborateur à l’Année politique (depuis 1944), A travers l´Europe mutilée : devant et derrière le rideau de fer (1950), l´Idée européenne et sa réalisation (1950), l´Europe en face de son destin (1952), l´Encyclopédie d´Amérique latine (1954), le Chemin du panaméricanisme (1955), la Réforme administrative (1958), les Grands travaux (1958), la Terre et la Faim des hommes (1960), les Milliards qui s’envolent (1963), Histoire politique de la III e République (7 vol., 1956-67), l’Homme ou la Nature (1970), Sauver l’humain (1976), A la recherche des milliards perdus (1980), le Monde en danger (1982), Avant l´oubli, tome 1 : 1900-1940 (1985, prix du Cercle de l´union), tome 2 : 1940-1970 (1987, prix des Ambassadeurs 1988), tome 3 : Depuis 1970 (1997), le Monde est-il surpeuplé ? (1988), Réconcilier l’homme et la nature (1990), l’Environnement en péril (2001), la Construction de l’Europe, par l’un de ses initiateurs (2002), Regards sur le monde (2004).

 

Edouard Bonnefous par Etienne Wolff

« Son père ayant représenté Versailles et sa région à la Chambre des députés de 1910 à 1936 et ayant été ministre de Raymond Poincaré et d’Aristide Briand, Édouard Bonnefous a donc connu très tôt les milieux dans lesquels il a exercé ses activités sur trois plans différents.

 

L’homme politique

Entré dans la vie politique dès la fin de la dernière guerre, il est membre du Comité de libération de Seine-et-Oise, puis, brillamment élu député en 1946, il adhère au groupe de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (U.D.S.R.). Constamment réélu, il représentera au Parlement, pendant plus de quarante ans, la Seine-et-Oise puis les Yvelines. Dès son entrée au Parlement, il devient un des plus jeunes présidents de la Commission des affaires étrangères de la Chambre avant de faire une brillante carrière ministérielle. Il détient successivement les importants portefeuilles du Commerce, de la Réforme administrative, des P.T.T., des Travaux publics, des Transports, de la Marine marchande et de l’Aviation civile. Il sera également ministre d’État. Édouard Bonnefous se distingue dans les postes techniques par son sens du concret et de la novation. Sénateur en 1958, il est chargé, à la commission des Finances, de rapporter successivement les budgets des Affaires culturelles, puis de l’O.R.T.F et de l’Information. En 1972, il est élu président de la très prestigieuse Commission des finances du Sénat. Constamment réélu pendant quinze ans dans cette fonction, il décide de se retirer volontairement de la vie parlementaire en 1986 après cette longue carrière.

 

L’homme de réflexion

Grand voyageur à travers le monde, l’esprit constamment en éveil, il s’intéresse très tôt à tous les problèmes actuels. Disciple préféré d’André Siegfried depuis ses études à l’École libre des sciences politiques, Édouard Bonnefous s’est intéressé très tôt à la géographie économique (qu’il enseignera durant de longues années à l’Institut des hautes études internationales) et à l’économie, ce qui l’amena à présider la Société d’économie politique. Sous des formes diverses, il n’abandonnera jamais ce champ de réflexion, comme son œuvre en témoigne. S’il a poursuivi les entreprises historiques et politiques inaugurées par son père (une monumentale Histoire de la IIIe République dont il a rédigé les cinq derniers volumes et l’annuaire l’Année politique, dont la tradition remonte au milieu du siècle dernier et qu’il fait reparaître en 1945), il a aussi été un des premiers à intégrer l’environnement comme préoccupation majeure de nos sociétés politiques. Il a dénoncé les dangers d’une démographie galopante. il n’a cessé rappeler dans de très nombreux ouvrages les menaces qui pèsent sur l’homme (la Terre et la Faim des hommes, le Monde est-il surpeuplé?, le Monde en danger, Réconcilier l’homme et la nature, etc.). Jean Rostand préface son ouvrage devenu classique: l’Homme et la nature. Avec ses études sur l’Europe (l’Idée européenne et sa réalisation, l’Europe en face de son destin), il a su associer son expérience d’observateur et d’acteur de l’Europe en construction. Édouard Bonnefous a été également un homme de presse, aussi bien par les titres qu’il a fondés et dirigés que par les innombrables articles qu’il a lui-même écrits. Cet attachement à la presse se reflète dans ses fonctions de président de l’Association professionnelle de la presse républicaine. Ses trois tomes d’Avant l’oubli récemment parus (la France de 1900 à 1940, la France de 1940 à 1970, la France depuis 1970) donnent une idée de l’approche encyclopédique et humaniste qui caractérise leur auteur. L’œuvre d’Édouard Bonnefous a été couronnée par de nombreux prix. Chez lui, les idées doivent être mises constamment au service de l’action. Édouard Bonnefous est un réalisateur, à la fois homme de terrain et de réflexion. Souvent pionnier par ses idées, il a occupé des fonctions dont il pouvait influencer les réalités.

 

L’animateur

Édouard Bonnefous a connu un parcours impressionnant à la tête des grands établissements et fondations français. Il a ainsi présidé le conseil d’administration du Muséum d’histoire naturelle et celui du Conservatoire des arts et métiers. Dans le domaine de l’environnement, il a assumé la présidence de l’Association nationale pour la protection des eaux, de l’Association française pour la défense de l’environnement, de l’Agence des espaces verts d’Île-de-France dont il fut le fondateur et qui a accompli, sous sa direction, de 1972 à 1993, une action remarquable. Il fut longtemps président de l’Institut océanographique avec ses établissements de Paris et de Monaco. Il est membre de l’Académie nationale de médecine. Longtemps benjamin de l’Institut de France – il a été élu en 1958 à l’Académie des sciences morales et politiques -, Édouard Bonnefous a été appelé par ses confrères au poste de chancelier de l’Institut en 1978. En quinze ans, il a profondément transformé le palais du quai Conti, en en faisant un lieu adapté aux missions des cinq académies. Ayant décidé, en 1994, de ne pas demander le renouvellement triennal de ses fonctions, il a reçu de ses confrères unanimes le titre de chancelier honoraire. Il s’occupe désormais plus particulièrement du grand problème des fondations au sein de l’Institut de France. En 1984, sur ma proposition, le conseil de la Fondation, unanime, a demandé à Édouard Bonnefous de me succéder comme président de cette grande institution française de mécénat intellectuel et artistique.

Derrière les trois volets de son activité, Édouard Bonnefous a toujours su préserver une grande unité de pensée et d’action, l’animateur prenant le relais de l’homme politique et de l’écrivain qu’il n’a jamais cessé d’être. »

Étienne Wolff (t), de l’Académie française, de l’Académie des sciences et de l’Académie nationale de médecine, administrateur honoraire du Collège de France

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