Manifestation et révélation. À propos du livre de Jean-Luc Marion, « D’ailleurs, la Révélation »

Rediffusion sur singer-polignac.tv

Avant-propos

Depuis 2014, l’UR 3552 Métaphysique : histoires, transformations, actualité, bénéficie d’une collaboration fructueuse avec la Fondation Singer-Polignac, initiée par le regretté Yves Pouliquen, de l’Académie française, Président de la Fondation, Jean-Luc Marion, de l’Académie française, professeur émérite à Sorbonne Université et Vincent Carraud, professeur à Sorbonne Université et directeur de l’UR 3552. En 2021, c’est au Centre Emmanuel Levinas, composante de l’unité de recherches dirigée par Emmanuel Cattin, professeur à Sorbonne Université, qu’il revient d’organiser la présente manifestation, qui sera un colloque de phénoménologie et de philosophie de la religion, intitulé « Manifestation et révélation. À propos du livre de Jean-Luc Marion, D’ailleurs, la Révélation.

Ce colloque sera centré sur la question de savoir de quel genre de phénomènes relèvent les phénomènes qui constituent la révélation et si une approche phénoménologique est pertinente pour les analyser. On remarquera que dans l’allemand Offenbarung s’entendent à la fois l’ouverture par laquelle quelque chose devient manifeste, offenbar, et la révélation (ἀποκάλυψις) : cette ambivalence doit-elle donner lieu à une distinction stricte de la phénoménologie et de la théologie ? La théologie — qui n’impose que tardivement le terme de révélation — n’a-t-elle pas au contraire tout à gagner d’une approche non plus métaphysique, mais phénoménologique, d’un apparaître qui requiert d’abord d’être décrit ? Le colloque posera ces questions à l’occasion de la parution du livre de Jean-Luc Marion, D’ailleurs, la Révélation (Grasset, 2020), non seulement professeur émérite à Sorbonne Université, mais titulaire d’une chaire à The University of Chicago qui est précisément une chaire de philosophie de la religion.

Il va de soi qu’il aura à revenir non seulement sur ce qu’on a appelé « le tournant théologique de la phénoménologie française » (Emmanuel Levinas, Michel Henry), mais surtout sur les enjeux théologiques de la phénoménologie qui sont apparus dès la première réception des œuvres de Husserl, dont beaucoup d’élèves se tournèrent vers le christianisme, comme Adolf Reinach, Edith Stein ou Hedwig Conrad-Martius. Mais il suivra aussi l’explication de Heidegger avec le christianisme et le Dieu d’Israël, telle que les Schwarze Hefte peuvent à présent en ouvrir l’accès avec une plus grande évidence, dont la confrontation avec l’œuvre immense de Karl Barth est l’un des aspects. Ces travaux se tiendront dans l’horizon du travail du Centre Emmanuel Levinas, à la fois par leur inspiration phénoménologique, qui donne depuis sa fondation leur tonalité directrice à de nombreux travaux du Centre, et par leur reprise des questions essentielles d’une philosophie de la religion ou de la révélation, précédemment étudiées, particulièrement, à travers l’œuvre de Franz Rosenzweig (2017).

Comme on sait, l’UFR de philosophie n’a pas de chaire de philosophie de la religion. Ce colloque sera donc l’occasion de nouer les relations institutionnelles qui devaient l’être au printemps 2020 avec nos collègues romains du « Colloque Castelli » (Archivio di filosofia). Et du côté de la phénoménologie, nous nous réjouissons d’organiser ce colloque en collaboration avec les Archives Husserl de Paris (CNRS-ENS-PSL), que dirige Dominique Pradelle, professeur à Sorbonne Université.

Enfin, nous avons toujours souhaité, lors des colloques organisés par l’EA 3552, que de jeunes chercheurs, récents docteurs ou encore doctorants, y soient associés. Ce colloque permettra également de donner la parole à plusieurs d’entre eux.

Vincent Carraud, Emmanuel Cattin, Dominique Pradelle

Comité de patronage

  • Jean-Robert Armogathe, de l’Institut
  • Barbara Cassin, de l’Académie française 
  • Philippe Capelle-Dumont, Université de Strasbourg, président d’honneur de l’Académie catholique de France
  • Jean Chambaz, Président de Sorbonne Université
  • Michaël Levinas, de l’Académie des Beaux-Arts
  • Andreï Makine, de l’Académie française
  • Hent de Vries, New York University
  • Michel Zink, de l’Académie française, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres 

Lundi 21 juin 2021

14h : ouverture du colloque par Vincent Carraud, Emmanuel Cattin et Dominique Pradelle

sous la présidence de Vincent Carraud : Métaphysique et révélation

15h45-16h – pause

  • 16h-16h45 : Raphaël Authier, Phénoménalité et révélation : comment comprendre ce qui « succède à la métaphysique » ?
  • 16h45-17h30: Claudia Serban, Jean Hering, une première rencontre entre phénoménologie et révélation

17h30 – discussion

18h – fin de la première journée

Mardi 22 juin 2021

sous la présidence d’ Emmanuel Cattin : Ce qui se donne et ce qui se montre

  • 9h30-10h15 : Vincent Blanchet, L’apparaître de l’inapparent
  • 10h15-11h : Stefano Bancalari, La « puissante banalité » de la révélation. Signification et statut méthodologique du quotidien dans la phénoménologie de l’ailleurs

11h-11h15 – pause

  • 11h15-12h : Fanny Valeyre, Φύσις. Une apparition homérique
  • 12h-12h45 : Dominique Pradelle, De la théologie à la phénoménologie : l’essence des phénomènes

12h45 – discussion

13h – déjeuner (selon protocole sanitaire strict)

sous la présidence de Pierluigi Valenza : Alètheia et apocalypsis

16h15-16h30 – pause

17h30 – fin de la deuxième journée

Mercredi 23 juin

sous la présidence de Dominique Pradelle : Le retard du regard

  • 9h30-10h15 : Walter Schweidler, Événement et révélation selon Heidegger (Das Ereignis der Offenbarung nach Heidegger)
  • 10h15-11h :Vincent Holzer, Trinité ontique et Révélation. Généalogie d’un malentendu persistant

11h-11h15 – pause

12h45 – discussion

13h – déjeuner (selon protocole sanitaire strict)

17h – clôture du colloque


Biographies

Vincent Carraud

Vincent Carraud est professeur d’histoire de la philosophie moderne en Sorbonne et directeur de l’unité de recherche Métaphysique : histoires, transformations, actualité. Il a reçu en 2010 le grand prix de philosophie de l’Académie française. Dernière publication : Ce que sait la foi, Communio / Parole et Silence, 2020.


Olivier Boulnois

Olivier Boulnois, né en 1961, ancien élève de l’ENS (1981), agrégé de philosophie (1984), professeur habilité à diriger des recherches (1997), directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études (1999), membre du « Laboratoire d’Études sur les Monothéismes » (EPHE, PSL, LEM, UMR 8584). Ses publications portent sur la philosophie médiévale et l’histoire de la métaphysique. Il est l’auteur d’environ 180 articles et 7 livres. Principales publications : Duns Scot, la rigueur de la charité, Paris, 1998 ; Être et Représentation. Une généalogie de la métaphysique moderne à l’époque de Duns Scot (XIVe siècle), Paris, 1999 ; Au-delà de l’image, Une archéologie du visuel en Occident (d’Augustin au Concile de Trente), Paris, 2008 ; Métaphysiques rebelles, Genèse et structures d’une science au Moyen Age, Paris, 2013.


Dan Arbib

Dan Arbib, ancien élève de l’Ecole normale supérieure, agrégé et docteur en philosophie, est professeur agrégé à l’Ecole normale supérieure. Secrétaire scientifique du Bulletin cartésien depuis 2010, il a publié La lucidité de l’éthique. Etudes sur Levinas (Hermann, 2014), Descartes, la métaphysique et l’infini (PUF, 2017, 2e éd. 2021) et dirigé le collectif consacré aux Méditations métaphysiques de Descartes, Objections et Réponses (Vrin, 2019).


Raphaël Authier

Ancien élève de l’École normale supérieure (Ulm), agrégé et docteur en philosophie, Raphaël Authier est l’auteur d’une thèse de doctorat intitulée Concevoir l’historicité. L’histoire et les différentes formes de temporalité chez Hegel et Schelling. Il est attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) à Sorbonne Université.


Claudia Serban

Agrégée de philosophie, docteur de l’université Paris-Sorbonne et ancienne pensionnaire de la Fondation Thiers, Claudia Serban est maître de conférences à l’université Toulouse Jean Jaurès. Elle est l’auteur de nombreux articles portant sur la phénoménologie allemande et française, ainsi que sur la philosophie allemande classique. Le livre issu de sa thèse de doctorat, intitulé Phénoménologie de la possibilité : Husserl et Heidegger, est paru en 2016 aux Presses universitaires de France.


Emmanuel Cattin

Emmanuel Cattin, né en 1966, ancien élève de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, est professeur de métaphysique à Sorbonne-université. Il est l’auteur de Vers la simplicité. Phénoménologie hégélienne (Paris, Vrin, 2010), Sérénité. Eckhart, Schelling, Heidegger (Paris, Vrin, 2012), Majestas Dei (Paris, Vrin, 2018).


Stefano Bancalari

Stefano Bancalari enseigne la philosophie de la religion à la Sapienza Università di Roma. Il est également professeur invité à l’université grégorienne de Rome et dirige la revue internationale « Archivio di filosofia ». Il a entre autres publié : Logica dell’epochè. Per un’introduzione alla fenomenologia della religione (2015), Fenomenologia e pornografia (2015), Intersoggettività e mondo della vita. Husserl e il problema della fenomenologia (2003), L’altro e l’esserci. Heidegger e il problema del Mitsein (1999). Il a édité les œuvres philosophiques de Rudolf Otto en italien (2010).


Vincent Blanchet

Vincent Blanchet est docteur en philosophie et professeur agrégé à Sorbonne Université, ses recherches portent sur la pensée allemande et la métaphysique.


Fanny Valeyre

Fanny Valeyre est agrégée de philosophie et attachée temporaire d’enseignement et de recherche à Sorbonne Université. Elle rédige actuellement une thèse sur la phusis à partir de l’œuvre de Heidegger.


Dominique Pradelle

Ancien élève de l’École Normale Supérieure, Dominique Pradelle est Professeur de philosophie allemande contemporaine à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université et directeur des Archives Husserl de Paris. Ses travaux portent sur la phénoménologie, la philosophie des mathématiques et l’esthétique musicale. Il a publié L’archéologie du monde (Dordrecht, Kluwer, 2000), Par-delà la révolution copernicienne (Paris, Puf, 2012), Généalogie de la raison (Puf, 2013) et Intuition et idéalités. Phénoménologie des objets mathématiques (Puf, 2020). 


Pierluigi Valenza

N.C


Rosaria Caldarone

Rosaria Caldarone est née à Palerme le 18/11/1971. Elle a traduit en italien le livre de Jean-Luc Marion Étant donné. Essai d’une phénoménologie de la donation, PUF, Paris, 1997 (Dato che. Saggio per una fenomenologia della donazione, SEI, Turin, 2001) ainsi que de nombreuses conférences données par le philosophe dans les universités italiennes. Elle est professeur de Filosofia teoretica au Département de Sciences humaines de l’Université de Palerme. Dans ses travaux, d’une orientation herméneutique et déconstructrice, la question de l’amour s’impose comme un facteur décisif pour comprendre le statut de la philosophie et pour une approche non transcendantale de la question du sujet. Parmi ces études figurent : Eros decostruttore. Metafisica e desiderio in Aristotele (il melangolo, 2001) ; Caecus amor. Jean-Luc Marion e la dismisura del fenomeno (ETS, 227) ; Impianti. Tecnica e scelta di vita (Mimesis, 2011) ; Lo scambio di figura. Tre saggi sulla somiglianza e sulla differenza (Inschibboleth, 2015) ; La filosofia in fiamme. Saggio su Pascal (Morcelliana, 2020).


Carla Canullo

Carla Canullo enseigne la philosophie de la religion à l’Université de Macerata (Italie), où elle est aussi titulaire de la chair d’herméneutique interculturelle. Elle est également titulaire de la chaire de Philosophie de la Religion à l’Istituto Teologico Marchigiano (Université du Latran). Ses recherches portent sur des questions concernant la philosophie française et, maintenant, sur la pensée des Pères Cappadociens – notamment Basile et Grégoire de Nysse. Parmi ses publications : La fenomenologia rovesciata. Percorsi tentati in Jean-Luc Marion, Michel Henry e Jean-Louis Chrétien (Torino 2004) ; (ed.) Jean-Luc Marion. Un dibattito italiano (Mimesis, Milano 2010) ; L’estasi della speranza. Ai margini del pensiero di Jean Nabert (Assise 2005). Elle a traduit en italien le livre de Jean-Luc Marion Le visible et le révélé et elle s’est occupée de la réédition de Dieu sans l’être. 


Inga Römer

Inga Römer est professeur de philosophie à l’Université Grenoble Alpes. Ses recherches portent sur la philosophie d’Emmanuel Kant ainsi que sur la phénoménologie allemande et française. Ses études les plus récentes interrogent le lien entre l’éthique et la métaphysique. Elle est l’auteur de Das Zeitdenken bei Husserl, Heidegger und Ricœur (Springer, 2010) et de Das Begehren der reinen praktischen Vernunft. Kants Ethik in phänomenologischer Sicht (Felix Meiner, 2018).


Danielle Cohen-Levinas

Danielle Cohen-Levinas est philosophe et musicologue, professeure à la Faculté des Lettres de l’Université Paris-Sorbonne. Elle est fondatrice et responsable du « Collège des études juives et d philosophie contemporaine » (Centre Emmanuel Levinas), chercheure associée aux Archives Husserl de l’ENS-CNRS de Paris. Derniers ouvrages parus : L’impardonnable (éd. du Cerf, 2021) ; Beethoven, toujours. Trente-deux Sonates pour quel infini ? Entretiens avec Michael Levinas (éd. du Cerf, 2021).

À paraître : Une métaphysique sans logos. Richard Wagner, Absolutiser le Monde (éd. Gallimard).


Jean-Robert Armogathe

Jean-Robert Armogathe (né à Marseille en 1947), directeur d’études à l’École pratique des hautes études, membre de l’Institut, historien de la philosophie et des sciences dans l’Europe moderne. Éditeur de Pascal et de Descartes, il a dirigé l’Histoire générale de l’Église, 2 vol., Paris, Puf, 2009.


Simon Berger

Né en 1997, Simon Berger est élève à l’École Normale Supérieure. Titulaire d’un Master d’histoire de la philosophie de Sorbonne Université, ses recherches ont porté sur les interactions entre la phénoménologie de Husserl et de ses disciples et la pensée chrétienne, qui ont permis de repérer quelque chose comme un tournant théologique de la phénoménologie allemande.


Philippe Capelle-Dumont

Philippe Capelle-Dumont, professeur de philosophie à l’université de Strasbourg et chercheur associé à l’université Paris-Sorbonne. Doyen honoraire de la Faculté de philosophie de l’Institut catholique de Paris, directeur de la Revue des sciences religieuses. Auteur d’une quarantaine d’ouvrages. À paraître : Politique et religion (collectif) PUF (2021) ; Le principe alliance, T. 1 Phénoménologie de l’alliance ; t. 2 Métaphysique du temps, Hermann (2021-2022).


Walter Schweidler

Prof. Dr. Walter Schweidler est titulaire de la chaire de philosophie de l’Université catholique d’Eichstätt-Ingolstadt depuis 2009. De 2000 à 2009 il fut professeur de philosophie pratique à l’Université de Bochum en Rhénanie. Centres d’intérêts et de recherches : conceptions modernes et contemporaines en éthique et en philosophie politique, philosophie du droit et théorie des droits de l’homme, phénoménologie, la philosophie de Heidegger dans le contexte des courants principaux du XXème siècle, métaphysique et critique de la métaphysique, philosophie interculturelle, bioéthique. Dernières publications : Wiedergeburt, Freiburg 2020 ; Kleine Einführung in die Angewandte Ethik, Wiesbaden 2017 ; Wittgenstein, Philosopher of Cultures (ed. w. Carl Humphries), Sankt Augustin 2017. 


Vincent Holzer

Vincent Holzer est professeur et docteur en théologie de l’Université Grégorienne de Rome et professeur de théologie systématique à la Faculté de théologie de l’Institut Catholique de Paris.

Il a récemment publié Le Christ devant la raison. La christologie devenue philosophème (Paris, Cerf, 2018) et La Révélation. Lectures philosophiques et théologiques, Vincent Holzer et Jérôme de Gramont (eds.) (Paris, Herrmann, 2020).

Est également à paraître sous sa direction Karl Rahner, Une dogmatique après le ConcilePrincipes et fondements de la théologie, de la doctrine de Dieu et de la christologie, Vincent Holzer directeur de l’édition française, Édition critique autorisée (Paris, Cerf, septembre 2021).


Jean-François Courtine

Jean-François Courtine, professeur émérite de l’Université Paris-Sorbonne, membre honoraire de l’Institut Universitaire de France. Auteur de vingt-cinq livres. Dernières publications : Levinas. La trame logique de l’être, éditions Hermann, Paris, 2012 ; Schelling – Entre temps et éternité, histoire et préhistoire de la conscience, Vrin, Paris, 2012 ; Archéo-logique, Husserl, Heidegger, Patocka, Paris, PUF (Épiméthée) 2013.


Jean-Luc Marion

Membre de l’Académie Française (2008).

Membre de l’Accademia dei Lincei (Rome), 2009.

Docteur honoris causa de l’Université d’Utrecht, 2006.

Docteur honoris causa de l’Université Nationale San Martin (Buenos-Aires), 2009.

Docteur honoris causa de Haverford College (Pennsylvania), 2010.

Docteur honoris causa de l’Université Catholique Pàzmàny Péter (Budapest), 2011.

Docteur honoris causa de l’Université de Glasgow, 2013.

Docteur honoris causa de l’Université de Iasi (Roumanie), 2013.

Docteur honoris causa de l’Université de Bucarest (Roumanie), 2013.

Docteur honoris causa de l’Université «La Sapienza» (Rome-I), 2013.

Docteur honoris causa de l’Université Catholique d’Australie (Melbourne), 2015.


Paul Garapon

N.C

Résumés de communication

Eros et alètheia par Rosaria Caldarone

D’ailleurs, la révélation met en évidence une distinction décisive entre le concept d’alètheia, qui est neutre et n’implique pas la volonté, et celui d’apokàlypsis, dont la logique atteste la primauté de la volonté qui choisit parce qu’elle aime et qui, ainsi, découvre l’amant dans le sujet. Jouant de la vérité chrétienne contre la vérité grecque, cette distinction permet de penser à nouveaux frais la vérité des grecs, jusqu’à y reconnaître des cas exemplaires du débordement dans lesquels l’alètheia montre plus que ce que nous attendrions d’elle, et où se vérifient des effets d’apokàlypsis dans l’alètheia même. Une telle distinction a donc la puissance de ré-ouvrir la scène grecque en lui donnant une richesse nouvelle, c’est-à-dire en rendant possible la compréhension de questions restées d’énigmatiques détails aux yeux des spécialistes incapables de les prendre en compte.

Renversant le schème courant, l’hermenéutique dont procède cette distinction impose de comprendre l’origine de la métaphysique à partir du christianisme, et non l’inverse : telle est la tâche que je ferai mienne en proposant une lecture de l’Alcibiade I de Platon où l’eros constitue la genèse de l’alètheia.

D’où une double vérification : celle, d’abord, de la teneur philosophique du lien posé par Jean-Luc Marion entre le découvrement et la Révelation — dont la Trinité constitue à la fois l’épreuve et le développement — ; celle, ensuite, de la fécondité hermenéutique de ce lien, dont on montre qu’il conserve sa pertinence dans un autre champ théorique que celui pour lequel il a été conçu. 


Non

Arts, sciences et techniques : Jules Verne, une vision du XIXᵉ siècle 

Rediffusion sur singer-polignac.tv

Avant-propos

Longtemps considéré comme un auteur inventif et récréatif, dont le premier mérite eût été d’anticiper un XXe siècle scientifique et technologique, Jules Verne apparaît comme un écrivain à succès, un génial vulgarisateur, docile aux idées libérales et républicaines de Jules Hetzel et de Jean Macé. Il est le romancier des synthèses éloquentes et des reformulations mémorables. Si elles ambitionnent d’instruire et de distraire tout en exaltant les vertus moyennes conformes à l’idéal d’éducation bourgeoise, ses fictions s’apparentent à des cartographies modestes, mais néanmoins précieuses et précises ; elles sont le reflet prismatique de la culture, artistique, scientifique et technologique, de son époque.
A sa manière historien et sociologue, Verne s’intéresse moins aux événements saillants et aux doctrines linéaires du progrès qu’aux conditions ordinaires dans lesquelles un siècle s’investit – et se donne à lire en se projetant dans les situations, les objets et les projets qui dessinent comme les lignes de force d’une histoire culturelle et laissent affleurer les linéaments d’une anthropologie sociale.
C’est pourquoi le propos de ce colloque se recentre sur la « vision du XIXe siècle » que le romancier rend sensible et invite à dégager, en prenant appui sur la représentation des arts, des sciences et des technologies – sur les formes diverses qu’elle revêt, les relations de pouvoir et de domination qu’elle engendre et les discours d’autorité ou d’insoumission qu’elle suscite. Mais au-delà de ces aspects, c’est sans doute vers un horizon élargi que se porte le regard puisque s’indique de la sorte la ligne fuyante d’une civilisation qui atteint son apogée et prévoit son propre dépassement. Quelle histoire du temps – et quel rapport au temps – ressortent des récits des « Voyages extraordinaires » ? Ou pour le dire autrement : quelle logique ordinaire et infra-ordinaire court sur l’envers et parfois à rebours de la grande fable humaine et culturelle dont le roman de Verne décline de façon parfois emphatique les exploits et les excès, les pouvoirs et les limites ? 

C’est principalement à ces questions, solidaires à la fois d’une histoire des représentation et d’une histoire des mentalités, que le colloque « Arts, sciences et technique : Jules Verne, une vision du XIXe siècle » voudrait répondre.

Comité scientifique

  • Daniel Compère
  • Jacques-Remi Dahan
  • Marie-Hélène Huet
  • Henri Scepi
  • Jean-Luc Steinmetz

Partenaires


lundi 5 juillet

14h15 : Ouverture du colloque par Pauline Schnapper, Vice-Présidente de l’Université Sorbonne nouvelle Paris 3 et Eléonore Reverzy, directrice du Centre de recherches sur les Poétiques du XIXe siècle de Paris 3

Session 1 – Verne, écrivain en son temps

  • Présentation du colloque Jules Verne dans l’épaisseur du siècle
  • Hetzel et moi
  • 15h30 : Discussion

    16h-16h15 – Pause

    17h : Discussion

    17h30 : fin de la journée


    mardi 6 juillet

    Session 2 – Sciences, arts et discours : de la représentation

    Sous la présidence de Jacques Noiray

    9h30 : ouverture de la deuxième journée

  • Au prisme du spectacle : les représentations des mondes verniens
  • 10h30 : Discussion

    11h-11h15 – Pause

  • Avertissements environnementaux au 19e siècle : échos d’une parole scientifique dans les « Voyages extraordinaires »
    • par Kevin Even (Université Sorbonne nouvelle/CRP19)
  • 12h15 : Discussion

    13h-14h – Pause déjeuner

    Session 3 – Inflexions et ambivalences

    Sous la présidence de Daniel Compère

  • Le savant et son secret : le partage des savoirs dans « Robur le Conquérant »
  • « La Chasse au Météore », une certaine vision de la science
  • 15h30 : Discussion

    15h45-16h – Pause

    Session 4 – Le monde des objets

    Sous la présidence de Jacques-Remi Dahan

  • Jules Verne, Walter Benjamin et le XIXe siècle
  • 17h : Discussion

    17h30 : fin de la journée


    Mercredi 7 juillet

    Session 5 – Espaces-temps verniens

    Sous la présidence de Marie-Hélène Huet

    9h30 : ouverture de la troisième journée

  • Jules Verne l’enchanteur et le ‘désenchantement du monde’. Le paradigme de la catastrophe
  • 10h30 : Discussion

    11h-11h15 – Pause

    Session 6 – Humour et contretemps

  • Coup de pub. Jules Verne et les affaires du siècle
  • 12h15 : Discussion

    13h-14h – Pause déjeuner

    Session 7 – Limites et mesures du siècle

    Sous la présidence de Daniel Sangsue

  • Une fantaisie du docteur Verne : les « Voyages extraordinaires » et la physiologie
  • 15h : Discussion

    16h-16h15 – Pause

    16h45 : Conclusion du colloque, par Daniel Compère et Henri Scepi (Université Sorbonne nouvelle)

    Biographies

    Pauline Schnapper

    N.C


    Eléonore Reverzy

    N.C


    Jean-Luc Steinmetz

    Poète et critique, Jean-Luc Steinmetz a longtemps enseigné la littérature française du 19e et du 20e siècle à l’Université de Nantes. Spécialiste entre autres de Rimbaud et de Lautréamont, qu’il a édités, il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la poésie moderne et contemporaine. Il a procuré une biographie magistrale de Tristan Corbière (2012). Il est le coordonnateur de l’édition des Voyages extraordinaires de Jules Verne dans la Bibliothèque de la Pléiade (4 volumes de 2012 à 2017).


    Henri Scepi

    Professeur à l’Université Sorbonne nouvelle, Henri Scepi est spécialiste de Laforgue et de la poésie de la seconde moitié du 19e siècle. Il s’intéresse également aux formes romanesques et a publié plusieurs essais sur Flaubert, Zola ou Hugo romancier. En 2018, il a édité Les Misérables dans la Bibliothèque de la Pléiade. Il a participé à l’édition des Voyages extraordinaires de Verne dans la même collection (dir. Jean-Luc Steinmetz, 4 volumes, 2012-2017). Il a récemment publié Charles Baudelaire. La Passion des images (Quarto, Gallimard, 2021).


    Piero Gondolo della Riva

    Collectionneur de renom, grand spécialiste de Jules Verne, auquel il a consacré de nombreuses études pionnières, vice-président de la Société Jules Verne, Piero Gondolo della Riva a notamment été, avec Olivier Dumas et Volker Dehs, le maître d’œuvre de la correspondance de Jules Verne, publiée chez Michel Slatkine.


    Patrick Deville

    N.C


    Jacques Noiray

    Professeur émérite à Sorbonne-université, spécialiste de la littérature romanesque du second 19e siècle (Zola, Maupassant, Verne, Villiers…), Jacques Noiray est notamment l’auteur de l’ouvrage de référence Le Romancier et la machine (José Corti, 2 volumes, 1981). Il a également édité dans la collection Folio Vingt mille lieues sous les mers et L’Île mystérieuse


    Marie-Hélène Huet

    Professeur émérite à Sorbonne-université, spécialiste de la littérature romanesque du second 19e siècle (Zola, Maupassant, Verne,

    Marie-Hélène Huet, Professeur à Princeton University, a publié plusieurs ouvrages sur la littérature et l’histoire culturelle européenne, dont Rehearsing the Revolution (1982), Monstrous Imagination (Prix Harry Levin de Littérature Comparée, 1994); Mourning Glory, The Will of the French Revolution (1997); The Culture of Disaster (2012). Elle a également contribué à l’édition des romans de Jules Verne dans la Bibliothèque de la Pléiade (2012-2017).


    Sylvie Roques

    Sylvie Roques est chercheure associée HDR au Centre Edgar Morin- IIAC (EHESS/ CNRS). Elle enseigne à l’Université d’Evry Val d’Essonne. Elle a publié en 2015 Dans la peau de l’acteur (Armand Colin) et en 2018 Jules Verne et l’invention d’un théâtre monde (Classiques-Garnier).


    Daniel Compère

    Daniel Compère a été maître de conférences de littérature française à l’Université de la Sorbonne nouvelle-Paris 3 jusqu’en 2014. 

    Spécialiste de Jules Verne, il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur cet auteur dont, récemment, La Science romanesque de Jules Verne (AARP/Encrage Edition, « Bibliothèque du Rocambole », 2013). 

    Il a également publié une étude sur Les Romans populaires (Presses de la Sorbonne nouvelle, 2011), et il est le responsable de la revue Le Rocambole qui consacre des dossiers à divers aspects des romans populaires.


    Kevin Even

    Docteur de l’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, Kevin Even est l’auteur d’une thèse sur La Question environnementale dans les Voyages extraordinaires de Jules Verne. Ses recherches l’ont conduit à participer au colloque Verne de l’Université d’Ottawa, à faire une séjour de recherche à New York et à s’investir au sein du collectif littéraire étudiant sur les questions écopoétiques ZoneZadir.


    Marie-Françoise Melmoux-Montaubin

    Professeur à l’Université de Picardie, Marie-Françoise Melmoux-Montaubin s’intéresse aux relations entre littérature et journalisme au XIXe siècle. Elle est en outre spécialiste de l’œuvre de Jules Verne. Avec Christophe Reffait, elle a coordonné l’ouvrage Les Voyages extraordinaires de Jules Verne : de la création à la réception (Encrage, 2012).


    Andrea Masnari

    Andrea MASNARI est jeune docteur en lettres de l’Université de Parme (IT) en cotutelle avec l’Université d’Angers. Actuellement, il vient de soutenir une thèse intitulée Savoirs scientifiques et savoirs occultes. Le texte littéraire et la transmission de la connaissance dans la littérature française de la fin de siècle. Au centre de son étude on retrouve la vision du savoir dans l’œuvre d’auteurs connus et moins connus de la littérature des dernières années du XIXe siècle, tels Villiers de l’Isle-Adam, Jules Verne, Émile Zola, Joris-Karl Huysmans, Gaston Danville, Jules Lermina et Léo Taxil.


    Laurence Sudret

    Certifiée de Lettres Modernes depuis 1993, Laurence Sudret a soutenu sa thèse de doctorat à l’Université de Nantes en 2000 ; l’ouvrage a été publié sous le titre Nature et artifice dans les Voyages extraordinaires (ANRT, 2000). Ce travail se consacrait à la place de la nature dans les romans verniens et aux liens qu’elle établit avec l’activité humaine. Elle est actuellement secrétaire générale de la Société Jules Verne (Paris) ainsi que membre du comité de rédaction du Bulletin publié par cette association littéraire. 

    Elle a enseigné dans le secondaire en Métropole, à Mayotte et en Polynésie française ; elle écrit également de la fiction sous le pseudonyme d’E. Louvieux. 


    Jacques-Rémi Dahan

    N.C


    Jean-Michel Gouvard

    Jean-Michel GOUVARD est Professeur de Langue et de Littérature françaises à l’Université de Bordeaux Montaigne et membre de l’équipe T.E.L.E.M. (EA 4195). Ses recherches portent sur les interactions entre littérature et société, du Second Empire aux années d’après-guerre. Son dernier essai s’intitule Le Nautilus en bouteille. Une lecture de Jules Verne à la lumière de Walter Benjamin (Renes, Pontcerq, 2019).


    Philippe Mustière

    Agrégé de lettres, Philippe Mustière est professeur honoraire en Sciences de la Communication, chargé de mission Culture à l’Ecole Centrale de Nantes. Spécialiste des méthodologies en sciences humaines, et notamment de la « nouvelle communication » (Ecole de Palo-Alto), il participe régulièrement à un certain nombre de colloques ou de publications universitaires.

    Auteur d’essais et d’articles sur deux écrivains majeurs du XIXème siècle français, Balzac et Jules Verne, membre d’une dizaine de sociétés savantes, il fait des conférences dans l’Europe entière et en Amérique du Nord, sur Jules Verne.

    Initiateur de colloques internationaux pluridisciplinaires “Les Rencontres Jules Verne », qui réunissent chaque fois plus de 500 personnes, autour de 50 conférenciers venus du monde entier, il organise ces colloques bisannuels sur la question de la vulgarisation, de l’éducation scientifique et des questions contemporaines posées à la science, Philippe Mustière prépare actuellement une encyclopédie sur le discours scientifique et sa vulgarisation.


    Daniel Sangsue

    Daniel Sangsue est professeur émérite de l’Université de Neuchâtel. Il a aussi enseigné à Genève, Smith College, Paris 3 et Grenoble. Il est l’auteur d’essais sur Stendhal, le récit excentrique, la parodie et les fantômes. Derniers ouvrages parus : Vampires, fantômes et apparitions (Hermann, 2018) et Journal d’un amateur de fantômes (La Baconnière, 2018).


    Bertrand Marquer

    Bertrand Marquer est maître de conférences H.D.R. à l’Université de Strasbourg, membre junior de l’Institut Universitaire de France. Ses recherches portent sur les rapports entre discours littéraire et discours médical au xixe siècle, et sur l’impact de ce croisement dans l’histoire des représentations. Il a notamment publié Les Romans de la Salpêtrière (Droz, 2008) ; Naissance du fantastique clinique (Hermann, 2014) ; L’Autre siècle de Messer Gaster ? Physiologies de l’estomac dans la littérature du xixe siècle (Hermann, 2017).


    Christophe Reffait

    Professeur à l’Université de Picardie, Christophe Reffait est l’auteur de La Bourse dans le roman du second XIXe siècle (Champion) et d’un essai intitulé Les lois de l’économie selon les romanciers du XIXe siècle (Classiques-Garnier). Avec Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, il a coordonné l’ouvrage Les Voyages extraordinaires de Jules Verne : de la création à la réception (Encrage).


    Résumés de communication

    Hetzel et moi

    par Piero Gondolo della Riva

    On se propose de revenir sur les liens qui unissent le romancier à son éditeur. L’amitié qui les rassemble permet de cerner les enjeux affectifs et personnels d’une collaboration fructueuse et pérenne. Elle donne aussi à voir les lignes de force d’une entreprise littéraire et éditoriale novatrice, qui illustre pleinement l’essor de l’édition grand public au mitan du XIXe siècle. 


    Jules Verne à l’âge des Expositions universelles

    par Marie-Hélène Huet

    On a souvent cité la visite de Jules Verne à l’Exposition universelle de 1867 et mentionné le rôle qu’auraient pu jouer certaines de ses attractions dans l’écriture de ses romans. Mais au-delà de cette rencontre ponctuelle entre l’imagination vernienne et les nouvelles technologies, au-delà de la célébration simultanée de l’industrie et des arts, les expositions qui se sont succédé au XIXe siècle à Londres, Paris ou Chicago témoignent d’une vision des peuples et de leur culture qui reflète aussi le développement de l’anthropologie. Il s’agira de réfléchir à certains des concepts éthologiques qui président en même temps aux expositions universelles et aux Voyages extraordinaires.


    Au prisme du spectacle : les représentations des mondes verniens

    par Sylvie Roques

    Evènements spectaculaires, les adaptations de Jules Verne et Adolphe d’Ennery au Châtelet marquèrent durablement les esprits de toute une génération de spectateurs pendant près de 60 ans. 

    Créant un nouveau genre, ces fééries scientifiques renouvellent l’espace étroit de la scène, en installant sur le plateau les grandes machines contemporaines, les animaux, les phénomènes cosmiques, les ethnies éloignées. Brusquement, les frontières traditionnelles explosent bouleversant les vieilles unités de l’espace et du temps. Jules Verne a créé ce que l’on peut appeler « un théâtre monde ». Il s’est aidé de techniques innovantes inspirées sans doute aussi par les machineries utilisées dans les opéras, pour créer une instrumentation faite d’intensité lumineuse, de mouvements permettant une dynamisation des décors (imitation des flots, les ondulations de la flore, installation de panoramas, d’illusiorama, présence animée de machines monumentales (bateau, locomotive entre autres), présence animale enfin (éléphant, ours, cheveux, âne). La scène à l’issue d’un travail considérable d’organisation voire d’orchestration est ainsi devenue « autre ». 

    Cette accumulation multiforme mais très organisée ne pouvait que satisfaire un nouveau public populaire à la fin du XIXe avide de connaissances et de curiosité, éduqué sans doute par une presse d’information florissante mais avide aussi de surprises, de merveilles voire d’enchantement. Aucun doute de tels changements inaugurent déjà ce que le cinéma saura inventer : un avantage majeur donné au mouvement, un décloisonnement radical des horizons, une extraordinaire variété de points de vue sur le même objet, l’utilisation de techniques mouvantes telles le « diorama » (reprises pour représenter le « Tour du Monde » lors de l’exposition 1900 à Paris). Ce Jules Verne, homme de théâtre s’avère aussi important que Jules Verne homme de roman. 

    C’est bien cette entreprise théâtrale qu’il s’agit ici de mettre en perspective et d’exposer. C’est elle dont il s’agit de montrer le contexte, l’importance, l’originalité. Tous les éléments existent pour faire d’une telle réalisation, un événement intellectuellement séduisant autant que culturellement vivant et stimulant. 


    Irrespect scientifique et discours bouffon

    par Daniel Compère

    Le discours scientifique que les romans de Verne assument souvent avec sérieux et conscience d’un savoir fiable à apporter aux lecteurs, il existe parfois un contre-discours qui joue avec le premier, le moque, voire le remet en cause.

    Comment cela se manifeste-t-il ? Ce contre-discours est-il pris en charge par un type de personnage ? Et quel but l’auteur poursuit-il en mettant ainsi en cause l’un des fondements de son œuvre romanesque ?


    Avertissements environnementaux au 19e siècle : échos d’une parole scientifique dans les « Voyages extraordinaires »

    par Kevin Even

    La présence de la thématique environnementale dans les Voyages extraordinaires s’explique par la dimension géographique de l’œuvre, la nature est l’endroit privilégier du voyage et de l’émerveillement, mais également car Jules Verne est attentif à toutes les découvertes scientifiques susceptibles d’enrichir le contenu didactique de ses ouvrages. Au XIXe siècle, les conséquences négatives de l’industrialisation sont connues et perçues bien au-delà des centres urbains : des scientifiques préviennent contre l’épuisement des ressources fossiles, contre l’extinction d’espèces animales, mais également contre le recul des forêts ainsi qu’à-propos des pollutions industrielles. Lecteur de revues spécialisées et de bulletins scientifiques, Jules Verne est au fait de ces inquiétudes qu’il relaie tout au long de son œuvre. 

    Dans cette communication il s’agira de mettre en parallèle ces avertissements avec quelques textes verniens pour comprendre quelles informations sont traitées, comment et dans quels buts. Cette lecture, au cours de laquelle les noms de Michelet, Reclus, Toussenel et Simonin seront évoqués, est l’occasion de comprendre la place méconnue des Voyages dans la littérature soucieuse des écosystèmes, et donc de voir comment s’articulent art, science et technique au sein de ce projet romanesque.


    Jules Verne et l’idée européenne : les « Voyages extraordinaires » en Europe centrale et balkanique

    par Marie-Françoise Melmoux-Montaubin

    Au moment où se mettent en place les conséquences du Congrès de Berlin (1878), Verne consacre coup sur coup plusieurs romans à l’Europe centrale et balkanique. Évoquant successivement l’Empire ottoman (Kéraban-le-Têtu, 1883), la Grèce (L’Archipel en feu, 1884), les revendications de la Hongrie (Mathias Sandorf, 1885) et la Transylvanie (Le Château des Carpathes, 1892), il produit un ensemble que complèteront deux romans publiés de manière posthume (lourdement transformés par son fils), Le Beau Danube jaune écrit en 1902 et publié en 1908 sous le titre Le Pilote du Danube et Le Secret de Wilhelm Storitz. Cette concentration témoigne d’un regard singulier sur une partie de l’Europe alors mal connue, tiraillée entre les grandes puissances et en pleine mutation : c’est en ces terres que commence la construction européenne, avec ses faiblesses et ses ambitions. Il s’agira de voir à la lecture de ces textes ce que Verne a compris de l’Europe naissante, ce qu’il en attend, ce qu’il en rêve. 


    Le savant et son secret : le partage des savoirs dans « Robur le Conquérant »

    par Andrea Masnari

    En occasion du présent colloque de la Fondation Singer-Polignac, intitulé « Arts, sciences et technique : Jules Verne une vision du XIXe siècle » je me propose d’interroger la représentation et la valeur de la science qui transparaissent de la lecture de Robur le conquérant (1886) et Maître du Monde (1904) du célèbre cycle des Voyages Extraordinaires.

    Plus spécifiquement, l’analyse portera sur les changements qui semblent s’avérer par rapport à la vision et au rôle du progrès scientifique dans les deux romans, publiés à dix-huit ans d’écart, en interrogeant tout particulièrement la façon dont le savoir est présenté et inséré par l’auteur dans l’univers diégétique.


    « La Chasse au Météore », une certaine vision de la science

    par Laurence Sudret

    La Chasse au météore est l’un des derniers romans écrits par Jules Verne. Publié parmi les « posthumes » il a été profondément remanié par Michel qui lui a ajouté des éléments scientifiques importants. Pourtant, le roman original n’est pas dénué de science mais elle n’est pas, a priori, valorisée comme elle l’est habituellement. 

    En effet, les lauriers d’une science dont le propos et l’objectif seraient de rendre l’homme plus fort voire omnipotent lui permettant de vivre de mieux en mieux grâce à un progrès bienvenu, ont disparu pour laisser la place à une science inutile, inopérante voire néfaste. L’image glorieuse du scientifique – ingénieur n’est plus ; le lecteur est confronté cette fois à des êtres orgueilleux, sans morale et sans valeur. 

    Cette Chasse serait-elle la représentation symbolique de celle que Jules Verne entreprit toute sa vie : courant après le savoir, la science, la technologie et leur efficacité concrète dont le monde pourrait bénéficier, mais considérant au crépuscule de sa vie que cette course était, en fait, vaine et inutile ?


    L’orgue du Capitaine Nemo

    par Jacques Noiray

    Il s’agira d’étudier l’orgue du Nautilus de trois points de vue différents : 1. L’objet technique, métonymie du sous-marin tout entier. 2. La machine à fabriquer de « l’extase musicale » et à produire l’atmosphère de mélancolie qui enveloppe Nemo et son navire. 3. La fonction de la musique et la relation qui, par l’intermédiaire de l’instrument, réunit les deux fluides essentiels du roman, la mer, « infini vivant », et l’électricité, « âme de l’univers », pour créer l’harmonie supérieure qui exalte la surhumanité de Nemo et du Nautilus.


    Jules Verne, Walter Benjamin et le XIXe siècle

    par Jean-Michel Gouvard

    Walter Benjamin n’avait guère lu Jules Verne, sur lequel il prononce un jugement pour le moins lapidaire dans son célèbre article « Expérience et pauvreté ». Toutefois, la vision du XIXe siècle que développe le philosophe allemand dans ses textes sur Baudelaire et sur Paris aurait trouvé une confirmation spectaculaire dans l’œuvre de Jules Verne, non seulement par les motifs récurrents auxquels recourt le romancier, mais aussi par la qualité même du regard qu’il portait sur son époque. C’est à montrer en quoi Les Voyages extraordinaires constituent une plongée au cœur même du « rêve collectif du XIXe siècle », pour reprendre une formule clé de Walter Benjamin, que sera consacrée cette communication.


    « Autour de la lune » : ombres et lumières d’une genèse

    par Jacques-Remi Dahan

    N.C


    Jules Verne l’enchanteur et le ‘désenchantement du monde’. Le paradigme de la catastrophe

    par Philippe Mustière

    Jules Verne décrit, dans ses Voyages extraordinaires, les bouleversements successifs de la société industrielle de la fin du XIXe siècle. Le monde dans lequel vit Jules Verne est loin d’avoir toutes les qualités dont le triomphalisme scientiste a bien voulu le décorer ; c’est déjà un monde qui suinte d’une étrange angoisse, un monde déjà perverti par la technologie, Il faut oser parler de cette névrose générale, de cette névrose historique et conjoncturelle, qui a touché la plupart des écrivains de cette époque, à commencer par Flaubert, Zola ou Huysmans. Les mondes verniens partent tous à la dérive, se démantèlent, le système les constituant semblant bien être, à chaque fois, le bouleversement, le soubresaut, la cassure.

    Avec la notion de catastrophe, Jules Verne exploite un nouveau paradigme, dans ce XIXème siècle où l’impossible devient certain, provoquant une sorte d’exaltation et d’effroi qui ressemble au sentiment du sublime, au sens que donnent à ce mot Burke et Kant. Le temps des catastrophes, c’est cette temporalité en quelque sorte inversée. Catastrophes industrielles, sanitaires ou climatiques dans les Voyages extraordinaires, l’homme ne peut se réaliser que dans une société dont les mythes sont bornés de cauchemars.

    Jules Verne, l’enchanteur de nos lectures d’enfance, serait-il devenu désenchanté, voire désenchanteur ?


    Jules Verne et le récit de voyage humoristique

    par Daniel Sangsue

    La communication sera consacrée au Voyage [à reculons] en Angleterre et en Ecosse (1859), texte refusé par Hetzel et resté inédit jusqu’en 1989. Par ses références explicites à Sterne et Nodier, son parcours en zigzag, ses fantaisies de composition, son goût pour le paradoxe et l’ironie, ce récit s’inscrit dans la tradition de ce que j’ai appelé le voyage humoristique (voir La Relation parodique, chap. 16), lui-même province du récit excentrique. Jules Verne y présente souvent une peinture satirique du Royaume Uni, de ses mœurs et de son industrialisation, peinture qui nous en apprend beaucoup sur la vision du 19e siècle du jeune auteur.


    Coup de pub. Jules Verne et les affaires du siècle

    par Henri Scepi

    Le propose se recentre sur le discours et les manœuvres publicitaires dans la pratique littéraire de Verne – à la fois en bordure des œuvres et à l’intérieur des textes. Il s’agira plus précisément d’étudier la façon dont sont loués et « vendus » le succès et ses gratifications, qu’elles soient matérielles ou non : l’argent, la notoriété, le pouvoir, la gloire. C’est bien à l’aune de cette fin qu’il convient de scruter et d’évaluer dans la production romanesque de Verne ce que nous appellerons les scénarios de la réussite : la morale de l’action s’y ordonne aux abscisses de la publicité définie d’abord comme sphère publique et scène de l’échange et du débat, ensuite conçue comme success story enlevée sur fond d’illusion ou de mystification – apothéose en d’autres termes du « glorieux mensonge » dont il se peut, qu’en dernière analyse Verne propose le démontage. 


    Jules Verne : le « goût » de l’aventure

    par Bertrand Marquer

    Cette communication a pour but d’explorer la tension qui traverse ce « goût » de l’aventure, tension par exemple illustrée par le dialogue entre Conseil et Ned Land à propos du dugong, bête « bonne à manger » que Conseil veut épargner « dans l’intérêt de la science » et Ned chasser « dans l’intérêt de la cuisine ». Ce conflit d’intérêt permet de comprendre la structuration de nombreux récits verniens, dans lesquels l’appétit de découverte passe aussi par la consommation de ce qui est découvert. 


    Une fantaisie du docteur Verne : les « Voyages extraordinaires » et la physiologie

    par Christophe Reffait

    Citant le texte d’Anatole Le Braz sur « La légende de la science », Charles Lemire tendait en 1908 à perpétuer l’idée selon laquelle Jules Verne aurait introduit la science dans le roman tandis que d’autres, réalistes et naturalistes, y faisaient entrer la physiologie. À lire les pages où le Docteur Ox est donné comme « un rival heureux des Davy, des Dalton, des Bostock, des Menzies, des Godwin, des Vierordt, de tous ces grands esprits qui ont mis la physiologie au premier rang des sciences modernes » (chap. IV), ou bien à lire le chapitre VII d’Autour de la Lune (inséparable de la nouvelle publiée deux ans plus tard) dans lequel Michel Ardan expose accidentellement ses compagnons à une « exaltation singulière » par abus d’oxygène, on se prend à penser que le roman vernien est bien plutôt un lieu éminent de la physiologie. Mais une physiologie burlesque qui passerait presque pour une charge des protocoles du roman expérimental et des autorités alléguées par Zola, et qui vaudrait à la fois comme analyse des passions, ironie de la normalité et diagnostic social, en même temps qu’elle définit une poétique du personnage ou du dialogue.


    Comment finir

    par Christophe Reffait

    Sous ce titre aux résonances presque beckettiennes se dissimule à peine le projet de cerner, dans les romans de Verne, ce qui pourrait être un art de la fin. Entre dénouement dramatique et clausule narrative, entre logique de l’achèvement et pensée du devenir, il s’agit d’examiner plus concrètement ce que les conclusions romanesques verniennes peuvent nous enseigner – non seulement sur la manière de construire et de conduire le récit, mais aussi sur la philosophie du temps qui s’y développe et la vision de l’histoire (Histoire ?) qui s’y révèle.


    Jules Verne à sa table de travail, photographie de Ch. Herbert, 1900

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